57. Marc. 7, 24 à 30. Lecture commentée. La Syro-Phénicienne : Jésus recevrait-il une leçon ?

Publié le par marike

Article 57. Bible. Evangile selon Saint Marc. 7, 24 à 30. Lecture détaillée

Lecture suivie et commentée de l'Ev. de Marc, puis de ses compléments dans les autres évangiles. Correspondance de l’extrait : Mt. XV, 21 à 28

VII, 24 Parti de là il se retira vers les frontières entre les régions de Tyr et de Sidon.
La Syro-Phénicie, ou province romaine de Syrie, est un territoire étroit qui longe la Méditerranée au Nord de la Palestine, à l’Ouest de la mer de Galilée, et bien au-delà vers le Nord. Villes principales, du Nord au Sud : Ptolémaïs, Tyr et Sidon.

Peut-être Jésus a-t-il pris la route plein Nord, au-delà de la Mer de Galilée, vers le lac Houlé et au-delà, longeant l’un de ces nombreux cours d’eau, puis ??? ...ce qui l’aurait amené « aux frontières » du territoire du tétrarque Philippe, et de la Syro-Phénicie, au Nord de Tyr…

Il voulait, dans la maison où il entra, rester inconnu, mais il ne le put,
VII, 25
car, dès qu’elle apprit sa présence, une femme, dont la fille était possédée d’un Esprit impur, entra où il demeurait et se jeta à ses pieds.

Ce texte montre l’étendue de la réputation de Jésus, bien au-delà de la mer de Galilée ; il ne peut plus s’isoler, faire une pause un moment dans une maison ; il est devenu un homme public ; il appartient complètement aux populations. Le guérisseur se laisse envahir pour pouvoir transmettre son message spirituel. Nous retrouvons l’idée de « l’Esprit impur » et plus loin de « démon » qui nous est étrangère aujourd’hui : la médecine a remplacé la religion, ou la métaphysique dans ce domaine. On parle bien de médecine psycho-somatique, mais on ne va pas plus loin. Toutefois la médecine trouve aussi ses limites aujourd’hui : elle ne peut pas tout guérir. Nous faisons toujours appel, en désespoir de cause, aux guérisseurs, et, dans certains pays d’Afrique, aux sorciers (voir le titre du livre : « Schweitzer, le sorcier blanc », de Michel Duino. 1958. Marabout). Nous en sommes toujours  à la célèbre question de Montaigne : " Que sais-je ? ", face à la vie et à la mort.

VII, 26
Cette femme, syro-phénicienne de naissance, était païenne. Elle lui demanda de chasser de sa fille le démon. Il lui répondit :
- VII, 27 – « Laisse d’abord se rassasier les enfants ; il n’est pas bon de prendre leur pain pour le jeter aux chiens. »

Jésus est « aux frontières », a-t-on dit ; peut-être veut-il avant tout se reposer, et seul ; prier. Apparemment il est sans ses disciples. Il est fatigué par toute cette charge de guérisons prises en lui jusqu’ici. Dans son esprit il veut convertir ses « frères » juifs ; il part chez eux d’une donnée culturelle juive déjà acquise pour en améliorer la vision, mais il se trouve pris au dépourvu, cette païenne ne cherche sans doute, comme beaucoup, que la guérison, pas le message spirituel. Toutefois elle sait que ce guérisseur agit par sa religion juive. Jésus ici est-il raciste ? Il ne l’est pas dans la mesure où son énergie est limitée ; chaque malade guéri lui en prend un peu ; il veut donc se réserver pour pouvoir dire davantage son message, et d’abord à ceux que cela concerne, aux Juifs. Le serait-il dans la mesure où il emploie le mot « chien » : son image ne contient-elle pas en filigrane une insulte ? Il ne tient pas compte des convictions de l’autre. Pour le comprendre, il faut en revenir à la situation historique décrite par Jacques Duquesne et mentionnée dans l'article 56 (VII, 14) ; je le rappelle ici : Historiquement, pour lutter contre l'occupant romain, les Pharisiens renforcent jusque dans les plus petits détails leur obéissance à la loi juive : "Certains pharisiens allaient finir par dire qu'en dehors d'Israël tout sol était impur, que tout étranger, l'étant aussi, communiquait son impureté à tout ce qu'il touchait." ("Jésus", de Jacques Duquesne. Desclée de Brouwer. p. 72). »

VII, 28
Elle répliqua en disant : « Pardon, Seigneur : les chiens eux-mêmes mangent sous la table des miettes des enfants.

Quelle humiliation consent-elle par amour pour sa fille ! Elle accepte la comparaison indigne, pour elle et pour ses croyances ; elle rentre dans l’optique de Jésus, mais pour le contrer : elle n’a qu’un but, poursuivi : la guérison de sa fille, et tout le reste - elle-même, sa dignité de femme, sa religion sans doute gréco-romaine - lui importe peu en comparaison.

VII, 29
Alors il lui dit : « Va ! A cause de cette parole, le démon est sorti de ta fille. »

Jésus réalise alors combien il a été injurieux, combien il a manqué de respect à la dignité de l’espèce humaine ; il réalise combien cette femme doit aimer sa fille pour s’être humiliée à ce point, combien il l’a forcée à s’humilier. Il passe à l’universalité de son message : « aimer son prochain » et (Jean IV, 21-25) « vous n’adorerez plus le Père ni sur cette montagne, ni à Jérusalem, (mais) en esprit et en vérité. » Enfin il prend conscience que cette femme respecte sa foi dans la mesure, peut-être, où cette foi est capable de guérir sa fille, l’Esprit de sa fille.
Plusieurs éléments, et pas seulement la foi –car elle croit profondément dans les miracles de Jésus- rentrent dans cette guérison, c’est pourquoi il ne lui dit pas, comme à d’autres : « ta foi t’a sauvée ».

VII, 30
Elle retourna chez elle et trouva l’enfant reposant sur son lit : le démon était chassé.

Voici encore une guérison à distance. Jésus n’a pas vu l’enfant. Il ne s’est donc agi que d’un dialogue entre lui et une croyante.

Développement : Ici serait-ce l'enseignant qui est enseigné ? Ici, c'est la Syro-Phénicienne qui donne une leçon d'humanité, d'amour, d'universalité à Jésus, et qui le convertit à ses vues. Ici Jésus est pleinement homme, faillible, voire intégriste.

- Nous avons tous tendance à dire que "l'autre", celui qui ne pense pas comme nous, est "impur", est "un chien" : nous le "diabolisons". Tout ce qui est étranger à nous est rejeté, est aisément aujourd'hui taxé de "secte", et ceci dans tous les domaines : religieux, politique, scientifique..etc....
- Il n'a pas notre histoire ; il n'a pas marché dans les mêmes sentiers que nous, sentiers qui, pour tous, sont pourtant imparfaits, car humains. Il n'a pas les mêmes racines.

Digression ?
- Cette tendance de ne pas vouloir "aller voir ailleurs, vers une autre facette de la Vérité", cette tendance à imposer des frontières à la connaissance a été exploitée et renforcée par ceux qui savent que la connaissance est un pouvoir ; ils veulent la garder pour eux.
Citation de Pierre de Coubertin, celui qui ressuscita les Jeux Olympiques au XXe siècle : "
on refuse trois choses au peuple : le pain, la dignité et le savoir."

Prenons un exemple parmi d'autres :
Les catholiques n'avaient pas le droit de lire la Bible, puis ils l'ont eu, mais...

Voyez le témoignage de l'abbé Charles Chiniquy (1809-1899), dans "Le don de Dieu" (site :
http://www.bibliste.com/ledon.htlm ) :
Extrait :
"...Peut-être quelques-uns sont-ils en train de se demander si les prêtres catholiques permettent aux gens de lire la Bible. Oui, et de cela je remercie Dieu ! C'est un fait qu'aujourd'hui presque dans le monde entier, l'Église Romaine accorde la permission de lire la Bible, et vous pouvez la trouver dans certains foyers catholiques.

Mais, ceci reconnu et admis, il faut dire la vérité toute entière : lorsque le prêtre autorise un laïc à lire la Bible, et lorsque le prêtre lui même reçoit cette Bible de l'Église, il y a une condition. La condition est que, quoique ce prêtre et ce laïc puissent lire la Bible, ils ne doivent jamais, en aucune circonstance, en comprendre un seul mot selon leur propre conscience, intelligence ou conception.

Lorsque je fut ordonné prêtre, je fis le serment de ne jamais interpréter l'Écriture autrement que selon ce qu'on appelle “le consentement unanime des saints pères”.
Amis, allez donc questionner un Catholique aujourd'hui et demandez-lui s'il a le droit de lire la Bible! Il vous répondra... oui! Mais demandez-lui: “Avez-vous le droit de l'interpréter c'est-à-dire de la comprendre vous-même? ” Il vous répondra non. Les prêtres disent positivement au peuple, et l'Église dit positivement aux prêtres, qu'ils n'ont pas le droit de comprendre un seul mot de la Bible selon leur propre intelligence ou leur propre conscience et que c'est un péché grave que de se permettre de le faire. Les prêtres disent au peuple: “Si vous essayez de comprendre la Bible avec votre propre intelligence, vous êtes perdu. C'est un livre très dangereux. Vous pouvez la lire, mais il serait mieux de ne pas la lire puisque vous ne pouvez pas la comprendre!” Quel est le résultat d'un tel enseignement? Le résultat est que, malgré le fait que les prêtres et certaines personnes aient la Bible entre les mains, ils ne la lisent pratiquement pas. Liriez-vous un livre si vous étiez persuadé que vous ne pouvez pas en comprendre une ligne par vous-même?

Voilà donc la vérité, mes amis, concernant l'attitude de l'Église Romaine. Ils ont la Bible, vous la trouverez sur la table des prêtres et de certains catholiques, mais il n'y a pas deux prêtres sur 10 000 qui lisent la Bible du commencement a la fin et y prêtent attention. Ils lisent quelques pages par ci par là et c'est tout.

Dans l'Église Romaine, la Bible est un livre scellé. Mais elle ne l'est pas pour moi! Je la trouvais précieuse pour mon coeur lorsque je n'étais encore qu'un petit gars, et lorsque je devins prêtre de Rome, je la lus pour devenir un homme fort et pour être capable de discuter et de défendre “mon” Église ..."

Par ailleurs, les catholiques n'avaient pas le droit de parler aux protestants, jusqu'au début du XXe siècle, de peur sans doute qu'ils apprennent certaines choses... Voltaire, le grand Voltaire, était suspect : c'était le danger de la lumière de l'Esprit ; je ne dis pas que Voltaire n'a pas exagéré, mais il a "décrassé" l'esprit de tant de bêtises...il a défendu Calas contre l'Inquisition; pour moi, enfin, c'est un homme de "l'Esprit". Les athées s'en sont donc emparés (le "Réseau Voltaire"), certains sans vouloir voir son côté "spirituel", et le meilleur de Voltaire vient de ce côté.

Mais, maintenant, pour la plupart des catholiques, sauf pour les intégristes, ceci est du passé...Toutefois, ces tendances, ces pratiques sont dans le cœur de tous les hommes, de tous les temps...

Echange dans Facebook sur mon mur (08 02 17) :

Pierre Rossetti : Il y a 1 autre façon d'aborder ce texte : JC était Dieu et Il a voulu donner un exemple à ses disciples (comme lorsque Pierre reçut sa vision sur les choses impures...). La priorité donnée à Israël est soumise à l'universalité du Salut offert à tous. Plus besoin de devenir juif pour être sauvé (CROIRE EN JC SUFFIT) !

Marie-Claire Lefeuvre Et Dieu le Père dans tout cela ? Diviniser Jésus ne pourrait-il être idolâtre aux yeux de Dieu ? Jésus est pour moi Fils d'adoption du Père. Personnellement, même si plusieurs lectures sont possibles, je préfère l'humble démarche humaine et tâtonnante, qui va vers la vérité, à une leçon quelque peu parachutée du Ciel...         
     Toutefois, Pierre Rossetti, merci de rappeler l’idée essentielle de l’universalité du Salut : Galates 3.28 : « Il n’y a plus ici ni Juif, ni grec ; il n’y a plus ni esclave ni homme libre ; il n’y a plus ni homme ni femme ; car tous vous êtes un en Jésus-Christ. » Cette découverte  concrète de Jésus (l’universalité de l’Esprit) en passant une frontière a reçu sa conclusion par Paul, qui a influencé les évangiles.
…car tous vous êtes un … en Dieu le Père. C’est Paul qui a divinisé Jésus (voir l’article :  
http://marike.over-blog.com/2016/02/626-conclusion-de-la-lecture-des-epitres-de-paul.html )
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Cet article est aussi inséré dans l’ensemble plus vaste de mon école du dimanche biblique entièrement sur la toile (sans doute la première...) :
852. Marc 7. 24 à 8. 9. Ecole du dimanche. 2. Avril 2e sem. Miracles (suite) (09 12 2017)
http://marike.over-blog.com/2017/12/852.marc-7.24-a-8.9.ec-du-dim.2.avril-2e-sem.html

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Pour trouver les articles  de ce blog :
1) Aller aux archives :
http://marike.over-blog.com/2017/10/archives-liste-des-articles-date-numero-titre.html
(Sinon, Rechercher sur la toile n’importe quel article, par exemple à « l’école du dimanche de Marike », puis cliquer sur un article pour l’ouvrir. Aller en marge de droite et à l’encart PAGES
Aller à page 1 : Archives : cliquez sur le titre pour aller aux archives)

2) Allez à la fin des archives, à la  section 10, où commence la liste des articles de l’école du dimanche  entièrement sur la toile, avec leur lien,
le premier art. étant :
809. La Genèse. Chap. 1 à 3. Les 2 Grands Commandements : Marc 12. 28 à 31.  Commentaire.

http://marike.over-blog.com/2017/09/809-ecole-du-dimanche-octobre-2017.html
[Sinon relever leur n°, leur titre, et  leur date  de création et les insérer dans les encarts « Rechercher » et « Archives » (classées par année et par mois) vers la fin de la marge de droite de l’article].
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Livres de Marike (décrits sur la toile, dans ce blog, et recensions) :
- Anthologie de la prose française. 1100-1900. 
Ed. indépendante illustrée. 2005. 480 p. Prix : 26 €. Epuisée. Qui la rééditera ?
- Etude des Evangiles, suivi de : Les Evangiles et l'écologie
L'Harmattan, coll. Chrétiens autrement. 2006. 155 p. Prix : 14,50 €
- Interroger sa foi. Du calvinisme au judéo-christianisme libéral. Préface du pasteur P. J. Ruff. Editeur : Edilivre. 2013. 261 p. Prix : 20€
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Livres de Michel Lefeuvre, philosophe des sciences : 
Une page sur lui et ses oeuvres : voir en marge d'un article : PAGE 4 : 
http://marike.over-blog.com/
pages/4_Michel_Lefeuvre_et_ses_oeuvres_Michel_Lefeuvre 

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réf. de l'illustration : Paris - Bibl. Mazarine - ms. 0976 - f. 001-127v - f. 052v - Jésus réconfortant la Vierge et les apôtres - Vie de Jésus Christ - vers 1470-1480 ? - Tours ?/Bourges ? - http://www.enluminures.culture.fr/documentation/enlumine/fr/LISTES/sujet_00.htm

 

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