« La Tradition » et Marcel Légaut (534)

Publié le par marike

19 12 2014

Œcuménisme et Tradition

Marcel  Légaut  est  un  grand catholique authentiquement  œcuménique ;  en effet, ce qui sépare le « chrétien » (ou disciple du Christ authentique) de toutes les églises  chrétiennes constituées dès après la mort du Christ, c’est la « Tradition ». Le chrétien qui veut faire un retour aux sources, se rapprocher de Jésus, s’éloigne le plus qu’il le peut de la tradition et se rapproche de la Bible, des Evangiles, donc de l’œcuménisme authentique, avec une lecture renouvelée. Si l’Eglise catholique n’est qu’observatrice au Conseil Œcuménique des Eglises (COE), c’est bien parce qu’elle attache une très grande importance à sa « Tradition ».             
           

Toutefois nous pouvons nous demander où commence véritablement la « Tradition » pour tous les chrétiens ? Les Evangiles,  venus après les épîtres de Paul, ne sont-ils pas déjà dans le maillage de la  «Tradition » avec, par exemple, les Evangiles de l’enfance ou même les racines du dogme de la Trinité dans les épîtres de Paul, Paul qui a voué un si grand culte à Jésus ? Et combien de protestants croient en La Trinité, dogme imposé par Constantin au Concile de Nicée (325), qui n’est nulle part dans les Evangiles, alors qu’ils  proclament comme article de foi, avec Luther, le « sola scriptura » la Bible seule ? Marcel Légaut parle de ce dogme avec combien de prudence, sans surtout l’imposer. Nous savons que le professeur André Gounelle ira plus loin dans cette quête (cf. Parler du Christ. Ed. Van Dieren. 2003).
           

Enfin, si nous sommes unitariens (si nous croyons au Jésus  seulement homme), pour essayer de dégager une doctrine pure de tous éléments humains, ne doit-on pas, dans les Evangiles, derrière Jésus, « rechercher » le Dieu au large éventail, à la fois le Dieu Inconnaissable et  le Dieu de Jésus ?  Je dirais alors, dans notre credo chrétien protestant, en évitant la répétition de « seul », qui tend à une rivalité entre Jésus et Dieu,  au lieu de  Solus Christus (« Jésus Christ seul ») et Soli Deo gloria (« à Dieu seul la gloire ») : un seul Dieu, par Jésus.

Il y a toujours eu des croyants, parmi les plus grands,  qui, disons-le, se sont risqués à mettre un pied hors des rails et qui ont été rejetés ou mal vus par les « églises d’autorité » (M.  Légaut). C’est ainsi que ce dernier s’inscrit à mes yeux dans la ligne des  précurseurs importants pour une modernisation du christianisme, car il allie l’intelligence de la foi à la vie de l’âme... tant d’autres l’ont fait avant lui, pour ne citer que François d’Assise  ou Albert  Schweitzer, chacun à leur manière !

Voilà que je termine ma lecture, crayon en main, des deux livres-clés que l’on m’a conseillé (Aubier 1971) : D’abord « L’homme à la recherche de son humanité » puis « Introduction à l’intelligence du passé et de l’avenir du christianisme ».

Marcel  Légaut dans ses écrits arrive   à  être,  pour l’essentiel,  un chrétien...  oecuménique !

Il plaide pour que les religions d’appel (la recherche individuelle des croyants qui leur permet de s’épanouir dans leur foi) relaient sans cesse les religions d’autorité, tout en les  conservant : elles sont indispensables, nécessaires dans l’enfance de l’homme de foi  en recherche, et pour le soutenir à l’âge adulte.
...Légaut constate : « Le drame d’une contradiction fondamentale entre religion d’autorité et religion d’appel, complémentaires par nécessité et incompatibles de fait » (240). Dans ce cadre il rejoint la mouvance encore du libéralisme protestant.

La démarche du croyant est d’abord mystérieuse, et tous les mots la trahissent ; elle part de la foi en Dieu (l’intelligence est marginalisée) pour  examiner par sa mémoire sa vie de croyant  et la reconstituer dans son souvenir pour lui donner une unité, un sens, un axe  chrétien. En parallèle, le croyant a pour but de suivre Jésus en refaisant son parcours  « de l’intérieur » si je puis dire... pour mieux le comprendre et le dégager des encombrements superflus ou déviants  que les siècles ont peu à peu apportés dès les origines, dès les premiers disciples. Le croyant ne « copie » pas Jésus mais « s’inspire de lui » et continue son œuvre.

Il faut «  Entrer dans l'intelligence intime de Jésus pour devenir disciple par filiation spirituelle. Cette compréhension en profondeur de Jésus révèlera au disciple sa propre humanité. » (95)

L’église est universelle (protestantisme) ou catholique (catholicisme), non dans  « la religion d’autorité », collective, formatrice au début de la quête, mais dans « la religion d’appel », individuelle, comme le montre Légaut. Nous pourrions comparer l’Eglise d’appel à une église dynamique sans cesse à construire et à reconstruire individuellement et les Eglises d’autorité à un chantier, des échafaudages collectifs stables et permanents...

M. Légaut aborde la question de la divinité de Jésus avec une extrême prudence. En tous les cas elle ne se veut pas plaquée comme un élément  d’un catéchisme obligatoire dès le départ ; Elle apparaît plutôt à la fin du parcours individuel de l’homme de foi, dans la religion d’appel... en effet, selon le professeur André Gounelle, il y a une grande présence du divin en Jésus,  comme en plusieurs autres créateurs (mais ici à un degré moindre).

La fonction dans la religion d’autorité se change en mission individualisée dans la religion d’appel.

Marcel Légaut l’écrit : on ne peut jamais totalement se détacher de ses racines. En quoi reste-t-il catholique ? Alors qu’il combat une certaine forme d’autorité dans les religions, alors qu’il ne se réfère plus qu’à l’homme, à Jésus et à Dieu, ses trois axes  dans son propos, après avoir lu les 283 pages de « L’homme à la recherche de son humanité » puis les 402 pages de « L’introduction à l’intelligence du passé et de l’avenir du christianisme », il me surprend et me déroute ; en effet,  ce n’est qu’à la dernière page de la conclusion (pp. 401-402), sans que ce sujet ait été amené par quoi que ce soit auparavant, qu’un hymne à la Vierge apparaît, sans toutes les réserves que l’on a pu faire sur elle à la lecture des Evangiles et selon l’exégèse.  
            Ainsi il marque d’une signature catholique deux ouvrages chrétiens profondément œcuméniques et modernes, où protestants et catholiques peuvent trouver leur vade mecum, leur viatique. 

Peut-on conclure en disant qu’aujourd’hui les « églises d’autorité » (premières) doivent toujours  tendre plus  à devenir des « églises d’appel » (secondes), en renforçant le sacerdoce universel, authentiquement démocratique, face à une hiérarchie visible ou invisible,  et  en disant, comme André Gide à Nathanaël, dans l’envoi final de : « Les Nourritures Terrestres » :

« Nathanaël, à présent,  jette mon livre. Emancipe-t’en. Quitte-moi... Qui donc éduquerais-je  que moi-même ? Nathanaël, te le dirai-je ? Je me suis interminablement éduqué. Je continue... » ?

Ou, dans un autre registre :

Ecclesia semper reformanda (« l'Église doit se réformer sans cesse »)


                                                                                                          Marie-Claire Weber-Lefeuvre

 

 

Oui ou non à « La Tradition » ? et Marcel Légaut

Œcuménisme et Tradition

Marcel Légaut est un grand catholique authentiquement œcuménique ; en effet, ce qui sépare le « chrétien » (ou disciple du Christ authentique) de toutes les églises chrétiennes constituées dès après la mort du Christ, c’est la « Tradition ». Le chrétien qui veut faire un retour aux sources, se rapprocher de Jésus, s’éloigne le plus qu’il le peut de la tradition et se rapproche de la Bible, des Evangiles, donc de l’œcuménisme authentique, avec une lecture renouvelée. Si l’Eglise catholique n’est qu’observatrice au Conseil Œcuménique des Eglises (COE), c’est bien parce qu’elle attache une très grande importance à sa « Tradition ».
Toutefois nous pouvons nous demander où commence véritablement la « Tradition » pour tous les chrétiens ? Les Evangiles, venus après les épîtres de Paul, ne sont-ils pas déjà dans le maillage de la «Tradition » avec, par exemple, les Evangiles de l’enfance ou même les racines du dogme de la Trinité dans les épîtres de Paul, Paul qui a voué un si grand culte à Jésus ? Et combien de protestants croient en La Trinité, dogme imposé par Constantin au Concile de Nicée (325), qui n’est nulle part dans les Evangiles, alors qu’ils proclament comme article de foi, avec Luther, le « sola scriptura » la Bible seule ? M. Légaut parle de ce dogme avec combien de prudence, sans surtout l’imposer. Nous savons que le professeur André Gounelle ira plus loin dans cette quête (cf. Parler du Christ. Ed. Van Dieren. 2003).
Enfin, si nous sommes unitariens (si nous croyons au Jésus seulement homme), pour essayer de dégager une doctrine pure de tous éléments humains, ne doit-on pas, dans les Evangiles, derrière Jésus, « rechercher » le Dieu au large éventail, à la fois le Dieu Inconnaissable et le Dieu de Jésus ? Je dirais alors, dans notre credo chrétien protestant, en évitant la répétition de « seul », qui tend à une rivalité entre Jésus et Dieu, au lieu de Solus Christus (« Jésus Christ seul ») et Soli Deo gloria (« à Dieu seul la gloire ») : un seul Dieu, par Jésus.

Il y a toujours eu des croyants, parmi les plus grands, qui, disons-le, se sont risqués à mettre un pied hors des rails et qui ont été rejetés par les « églises d’autorité » (M. Légaut). C’est ainsi que ce dernier s’inscrit à mes yeux dans la ligne des précurseurs importants pour une modernisation du christianisme, car il allie l’intelligence de la foi à la vie de l’âme... tant d’autres l’ont fait avant lui, pour ne citer que François d’Assise ou Albert Schweitzer, chacun à leur manière !

Voilà que je termine ma lecture, crayon en main, des deux livres-clés que l’on m’a conseillé (Aubier 1971) : D’abord « L’homme à la recherche de son humanité » puis « Introduction à l’intelligence du passé et de l’avenir du christianisme ».

Marcel Légaut dans ses écrits arrive à être, pour l’essentiel, un chrétien... oecuménique !

Il plaide pour que les religions d’appel (la recherche individuelle des croyants qui leur permet de s’épanouir dans leur foi) relaient sans cesse les religions d’autorité, tout en les conservant : elles sont indispensables, nécessaires dans l’enfance de l’homme de foi en recherche, et pour le soutenir à l’âge adulte.
...Légaut constate : « Le drame d’une contradiction fondamentale entre religion d’autorité et religion d’appel, complémentaires par nécessité et incompatibles de fait » (240). Dans ce cadre il rejoint la mouvance du libéralisme protestant.

La démarche du croyant est d’abord mystérieuse, et tous les mots la trahissent ; elle part de la foi en Dieu (en marge l’intelligence) pour examiner par sa mémoire sa vie de croyant et la reconstituer dans son souvenir pour lui donner une unité, un sens, un axe chrétien. En parallèle, le croyant a pour but de suivre Jésus en refaisant son parcours « de l’intérieur » si je puis dire... pour mieux le comprendre et le dégager des encombrements superflus ou déviants que les siècles ont peu à peu apportés dès les origines, dès les premiers disciples. Le croyant ne « copie » pas Jésus mais « s’inspire de lui » et continue son œuvre.

Il faut « Entrer dans l'intelligence intime de Jésus pour devenir disciple par filiation spirituelle. Cette compréhension en profondeur de Jésus révèlera au disciple sa propre humanité. » (95)

L’église est universelle (protestantisme) ou catholique (catholicisme), non dans « la religion d’autorité », collective, formatrice au début de la quête, mais dans « la religion d’appel », individuelle, comme le montre Légaut. Nous pourrions comparer l’Eglise d’appel à une église dynamique sans cesse à construire et à reconstruire individuellement et les Eglises d’autorité à un chantier, des échafaudages collectifs stables et permanents...

M. Légaut aborde la question de la divinité de Jésus avec une extrême prudence. En tous les cas elle ne se veut pas plaquée comme un élément d’un catéchisme obligatoire dès le départ ; Elle apparaît plutôt à la fin du parcours individuel de l’homme de foi, dans la religion d’appel... en effet, selon le professeur André Gounelle, il y a une grande présence du divin en Jésus, comme en plusieurs autres créateurs, mais ici à un degré moindre).

La fonction dans la religion d’autorité se change en mission individualisée dans la religion d’appel.

Marcel Légaut l’écrit : on ne peut jamais totalement se détacher de ses racines. En quoi reste-t-il catholique ? Alors qu’il combat une certaine forme d’autorité dans les religions, alors qu’il ne se réfère plus qu’à l’homme, à Jésus et à Dieu, ses trois axes dans son propos, après avoir lu les 283 pages de « L’homme à la recherche de son humanité » puis les 402 pages de « L’introduction à l’intelligence du passé et de l’avenir du christianisme », il me surprend et me déroute ; en effet, ce n’est qu’à la dernière page de la conclusion (pp. 401-402), sans que ce sujet ait été amené par quoi que ce soit auparavant, qu’un hymne à la Vierge apparaît, sans toutes les réserves que l’on a pu faire sur elle à la lecture des Evangiles et selon l’exégèse.
Ainsi il marque d’une signature catholique deux ouvrages chrétiens profondément œcuméniques et modernes, où protestants et catholiques peuvent trouver leur vade mecum, leur viatique.

Peut-on conclure en disant qu’aujourd’hui les « églises d’autorité » (premières) doivent toujours tendre plus à devenir des « églises d’appel » (secondes), en renforçant le sacerdoce universel, authentiquement démocratique, face à une hiérarchie visible ou invisible, et en disant, comme André Gide à Nathanaël, dans l’envoi final de : « Les Nourritures Terrestres » :

« Nathanaël, à présent, jette mon livre. Emancipe-t’en. Quitte-moi... Qui donc éduquerais-je que moi-même ? Nathanaël, te le dirai-je ? Je me suis interminablement éduqué. Je continue... » ?

Ou, dans un autre registre :

Ecclesia semper reformanda (« l'Église doit se réformer sans cesse »)


Marie-Claire Weber-Lefeuvre

 

Publié dans christianisme

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