952. La tolérance

Publié le par marike

Définition. Historique : dans la Bible, en Europe, en France. Selon Sébastien Castellion. Selon Pierre Bayle : et les athées. Le dictamen de la conscience.

Le résumé de quelques sites sur la tolérance :
Définition : En général, la tolérance, du latin tolerare (supporter) et tolerantia (endurance, patience, résignation), désigne la capacité à permettre ce que l'on désapprouve, c'est-à-dire ce que l'on devrait normalement refuser (Wikipédia).

Historique de la tolérance :
I - La tolérance s'inscrit dans l'histoire dès les origines avec la Bible, et surtout avec Jésus.
Dans la Bible, la tolérance s'inscrit en filigrane :
Dans le Premier Testament :

- L'Ecclésiaste : 3. 16 : J’ai encore vu, dans le temple de la justice, résider l’injustice ! Alors j’ai dit en mon cœur : Dieu jugera le juste et le méchant…
-  Esaïe 33. 22 : "l'Eternel est notre juge, L'Eternel est notre législateur, L'Eternel est notre roi: C'est lui qui nous sauve."
-
Esaïe 45. 23 : "chacun de nous rendra compte à Dieu pour soi-même"
- Samuel 16. 7 : "l'Eternel regarde au cœur".
Le regard de Dieu ne porte pas sur la religion de tel ou tel homme, mais sur ce qu'il en a fait pour se construire lui-même.
Alors, qui sommes-nous, face à Dieu, pour juger, pour condamner notre prochain ?
Dans le Second Testament :
- dans les Evangiles, Jésus répond :
"Ne jugez pas afin de n'être pas jugés ; car, de la façon dont vous jugez, vous serez jugés vous-mêmes, et c'est la mesure dont vous vous servirez qui servira pour vous. Pourquoi regardes-tu la paille qui est dans l'oeil de ton frère, alors que tu n'aperçois pas la poutre qui est dans le tien ?  " (Mt. 7. 1 à 5)
"La femme adultère" : Jean 8. 1 à 11
"Que celui qui n'a jamais péché lui jette la première pierre."
La Loi passe alors par la conscience individuelle de l'être humain
(Culte du 25 11 18, au temple de Champel, à Genève, du pasteur Vincent Schmid sur le sujet : 
« Vous êtes des anges mais vous mourrez comme des hommes »
( Psaume 82 ;
Jean 8. 1 à 11 et Jn. 10. 22 à 40
- https://youtu.be/sfDkOdItaiw 
http://champel-malagnou.epg.ch/cultes-de-lavent-radiodiffuses/    ).
- Dans le Second Testament :
 Romains 14. 1 à 12 : Nous comparaîtrons tous devant le tribunal de Dieu…"

           Séparer le bon grain de l'ivraie ? "laissez-les croître tous deux ensemble jusqu'à la moisson." (Mt 13. 24 à 30). 

II – dans le journal La Croix :
https://croire.la-croix.com/Definitions/Lexique/Tolerance/Petite-histoire-de-la-tolerance
- la tolérance se construit en France, en Europe,  avec la naissance de la Réforme, au 16e s. Celle-ci va durablement s'installer, en dépit des efforts du catholicisme.
1598 : l'Edit de Nantes (sa Révocation par Louis XIV en 1685). : Henri IV, protestant converti au catholicisme, accorde une liberté religieuse relative aux protestants, une première en Europe.
- Ceux qui travaillent à l'idée de tolérance sont d'abord majoritairement étrangers, de pays protestant, sauf le protestant français Bayle : Spinoza, Locke, Bayle, Kant
- Au siècle des Lumières, à l'ère des philosophes, se développe l'idée de tolérance en France, sans doute par le contact avec les pays voisins protestants.
- 1789. A la Révolution française, la tolérance entre dans la sphère politique et s'inscrit dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen

La tolérance selon Sébastien Castellion (1515 – 1563)

https://www.evangile-et-liberte.net/2014/03/linvention-protestante-de-la-tolerance/
« Ce serait une chose absurde, je dis même inique, si Christ nous contraignait sous le joug de la Loi, nous qui ne sommes pas juifs, vu qu’il en délivre les juifs qui croient en lui. » Au sein de la Nouvelle Alliance, la Loi de Moïse doit être remplacée par le pardon, la réconciliation et l’amour. « Il nous faut maintenant servir Dieu en nouveauté d’Esprit et non point en vieillesse de lettre par ce que la lettre tue et l’esprit vivifie. »

La tolérance selon Pierre Bayle (1647-1706)
 
https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Bayle
A la suite de Castellion, il a élargi et universalisé la pensée de la tolérance un siècle plus tard. Bayle est protestant, fils de pasteur. Il a étudié la théologie à Genève mais n’exercera jamais le ministère. Il sait ce que veut dire être persécuté dans sa chair puisque son frère Jacob, également pasteur, périt en prison à Bordeaux et que lui-même doit fuir la France pour la Hollande.
            Il plaide pour une tolérance civile qui englobe toutes les confessions chrétiennes, toutes les religions et les athées.
            Quel est le principe directeur de l’interprétation ? Pour le catholicisme, c’est la tradition de l’Église. Pour Calvin, c’est officiellement le témoignage intérieur du Saint Esprit (donc Dieu lui-même), officieusement la grille de lecture offerte par l’Institution de la religion chrétienne. Pour Castellion qui préfigure la critique biblique, c’est la raison naturelle.
            Bayle propose un principe directeur original, le principe éthique. Le critère d’une interprétation est la conséquence concrète de cette interprétation. Quel est l’impact de ce que je crois sur les autres ? Qu’est-ce que ça fait aux autres ? Qu’est-ce que ça fait de moi ?
            L’apôtre Paul a transféré le sacré du Temple à la personne humaine, « Vous êtes le temple de Dieu » (1 Co 3,16). Il en résulte une inviolabilité de la conscience qui n’appartient qu’à Dieu. Non seulement elle ne doit faire l’objet d’aucune contrainte ni violence, mais elle doit être écoutée. C’est ce que Bayle nomme le dictamen de la conscience, qui dicte ce que nous avons à faire. Nous devons obéir à cet impératif intérieur. « La première et la plus indispensable de toutes nos obligations est celle de ne point agir contre l’inspiration de la conscience […] Ne rien faire au mépris et malgré le dictamen de sa conscience. »
            La conscience peut se tromper, que ce soit celle de l’hérétique ou celle de l’orthodoxe. En matière de foi, il n’existe pas de critère objectif, « géométrique », qui permette de décider de la vérité. Tout ce que nous pouvons faire est d’être sincèrement convaincu que nous sommes dans le vrai.
            Bayle tient que l’essentiel est de suivre la dictamen de la conscience, quand bien même cette dernière erre. On est donc autorisé à croire autrement que la doctrine officielle ne l’enseigne. Le droit à la conscience errante est certainement la plus connue et la plus discutée des thèses de Bayle.

Il y a de l’indécidable dans la foi et sur cet indécidable s’édifie la tolérance.

Pour finir, Bayle a pris la défense des athées. Devant une telle audace, même Locke et Rousseau reculeront. Bayle a observé qu’on pouvait être incroyant sans que cela nuise à autrui. On peut donc être honnête sans Dieu, c’est pourquoi l’ordre public n’a rien à craindre de la tolérance civile universelle.

« La raison sans la connaissance de Dieu peut quelque fois persuader à l’homme qu’il y a des choses honnêtes qu’il est beau et louable de faire, non pas à cause de l’utilité qui en revient mais parce que cela est conforme à la raison […]           
           Encore que Dieu ne se révèle pas pleinement à un athée, il ne laisse pas d’agir sur son esprit et de lui conserver cette raison et cette intelligence, par laquelle tous les hommes comprennent la vérité des premiers principes de métaphysique et de morale. »

Avec Bayle naît l’idée de l’athée honnête homme. Ce qui est devenu une évidence pour nous fut à l’époque une révolution mentale considérable. Ni Locke ni Rousseau, tous deux tenants d’une religion civile de type déiste, ne pourront consentir à cette idée qui leur paraît néfaste.

« Ce n’est même pas la tolérance que je réclame, c’est la liberté ! La tolérance ! Le support ! Le pardon ! La clémence ! Idées souverainement injustes envers les dissidents, tant il est vrai que la différence d’opinion sera un crime. La tolérance ! Je demande qu’il soit proscrit à son tour, et il le sera, ce mot injuste qui ne nous présente que comme des citoyens dignes de pitié, comme des coupables auxquels on pardonne, ceux que le hasard souvent de l’éducation ont amené à penser d’une autre manière que nous. »

Mon commentaire pour cette dernière idée : Le mot, mélioratif, de reconnaissance serait plus juste que celui, péjoratif, de tolérance, bien que ce mot : "reconnaissance" ait un autre sens très usuel qui corresponde à la gratitude.

Les limites de l'idée de tolérance.
Elle est à repenser. Comme chaque vertu, la tolérance a ses limites : l'économie peut devenir avarice, la charité prodigalité.
            Là encore c'est la Loi (pensons à la loi juive) transcrite dans nos cœurs par l'Esprit, par la conscience individuelle, qui l'adapte à chaque cas ; elle nous guidera.

Le pasteur Vincent Schmid 
prend sa retraite en nov. 17 (Tribune de genève) de la cathédrale de Genève ; dans son culte du  25 11 18  à Champel, il nous offre sur la tolérance un éclairage :  https://youtu.be/sfDkOdItaiw
« Vous êtes des anges (et non pas des dieux : mauvaise traduction) mais vous mourrez comme des hommes »
( Psaume 82 ;
Jean 8. 1 à 11 et Jn. 10. 22 à 40 )
            Quelques passages du culte du 25 11 2018 :
- " la Loi, je l'inscrirai dans leur cœur." (Jérémie 31. 31 à 34) : - la fidélité à la Loi ; celle-ci doit être saisie et habitée par la conscience humaine. Nous passons ainsi de la Loi à l'humanisme.
- Nous passons de la Loi formelle à la Conscience.
- un appel à la conscience du juge : scrupule, autocritique et examen de conscience : seulement s'il est vertueux il peut juger, mais qui l'est ? (la Femme Adultère)
- les musulmans vont-ils faire ce chemin ou condamner toujours l'autre ?
-le ps. 82 : vous êtes semblables à des anges (= envoyés de Dieu, non semblables à des dieux : mauvaise traduction), à des fils du Très-Haut.
- ces anges sont des hommes (tirés de l'humus, de la terre), pécheurs.
- l'Ecriture est un miroir, écrit Calvin, car nous y découvrons qui nous sommes.
- Faire émerger la miséricorde et la tolérance envers autrui.
- l'effleurement de la Présence en nous : le mystère de cette intimité avec Dieu.
-Dieu, présence réparatrice, guérisseuse, humanise la Loi.
-l'obéissance à une Loi n'est plus le vecteur principal, mais l'attention portée à la Présence intérieure.
- La présence ne se tient pas dans les Ecritures, mais dans l'être humain, dans la vraie vie.

Publié dans Société et Religion

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