9. Marc. 1, 12-13. Lecture suivie. La tentation de Jésus
La tentation de Jésus
Article 9. Bible : Lecture suivie, commentée, de l'évangile selon saint Marc, verset par verset, puis de ses compléments dans les autres évangiles.
I, 12 ( Mt. IV, 1-2 ; Lc. IV, 1-2 )
Et l'Esprit aussitôt entraîna Jésus au désert ;
I, 13
il y fut tenté par Satan pendant quarante jours ; il était avec les bêtes et les anges le servaient.
"Aussitôt" après ce prodigieux baptême, on comprend que Jésus, rempli de l'Esprit, éprouve le besoin de se recueillir, seul, loin des siens, ici en plein désert, sans doute non loin du lieu où il a été baptisé.
Ce que l'auteur veut souligner dans ce texte, c'est que ce n'est pas vraiment Jésus qui prend la décision, mais l'Esprit. Il est guidé par l’Esprit. On pourrait généraliser et dire que, pour tout croyant, ce n'est pas lui qui agit et qui pense, mais l'Esprit qui réside en lui. Ici l’Esprit met Jésus à l’épreuve ; Jésus est la proie de deux forces contraires : celle du Bien et celle du Mal. Jésus est à l’opposé d’Adam car il va résister à la triple tentation : mettre Dieu à l’épreuve ; vendre son âme en échange de sa sécurité (le pain) ; vendre son âme en échange du pouvoir dans le monde. Il rachète ainsi l’honneur de l’homme ; il est le Nouvel Adam.
Ces tentations sont fréquentes en l’homme, habituelles à un moment ou à un autre au cours de sa vie, selon les circonstances. Obéit-on toujours à sa conscience ? Churchill répondait à de Gaulle : « ma conscience est une bonne fille avec laquelle je m’arrange toujours ! »
(De Gaulle « Mémoires de guerre ». II L’unité).
Satan, d’abord accusateur de l’homme devant Dieu, peut le servir dans ses projets ; ici il met à l'épreuve Jésus, comme il a mis Job à l'épreuve (Premier Testament ; Job I, 6 à 12). En hébreu, Satan est "l'Adversaire". Il a pris ensuite une dimension principalement négative dans la Bible : il symbolise le mal qui est en l'homme, le péché. . Lui est attribué tout ce qui contrecarre le dessein de Dieu (Dict. du N.T. par X. L. Dufour). En effet, Satan est l'archange déchu parce qu'il a voulu rivaliser avec Dieu, particulièrement dans le mythe de la corruption d'Adam et d'Eve où il est allégoriquement représenté par le serpent (Genèse chap. III). En français, Satan est un nom propre, alors que diable est un nom commun.
Rapprochons le personnage de Jésus de celui de Prométhée ; dans la religion grecque il est l’un des Titans, fils du Ciel et de la Terre ; il veut rivaliser avec Zeus en lui volant le feu pour créer l'homme et lui donner la vie. Zeus se venge alors en envoyant à l'homme la boite de Pandore qui contient tous les maux, et en martyrisant Prométhée.
Dans tous les cas, Adam, Jésus ou Prométhée, l'homme n'est guère confortable dans son humanité : Il est accablé de maux, par le destin ou par sa propre imperfection, même s’il est bon à l’origine.
Le nombre quarante est un nombre employé plusieurs fois dans la Bible :il peut désigner symboliquement le temps de l’épreuve, ou celui de la maturation nécessaire, comme celle de la pensée qui précède la décision. Le Déluge a duré quarante jours (Genèse) ; les Hébreux voyagent quarante ans dans le désert après avoir traversé la mer Rouge (L’Exode). C’est aussi le temps de l’enfantement (40 semaines ou 9 mois). Les quarante jours du carême chrétien représentent ceux de la Tentation.
De nombreux auteurs anglo-saxons, principalement unitariens (John Simpson 1804, John Epps 1842), rationalistes (Isaac Newton, Thomas Hobbes 1651) ou latitudinaristes (Arthur Sykes 1737, Hugh Farmer 1761) ont vu les trois tentations comme une parabole, ayant une origine soit de Matthieu ou de Jésus lui-même, pour décrire les quarante jours de préparation avant son ministère au sein du peuple.
Revenons à l'Evangile. Si Satan est présent, les anges le sont aussi ; ces derniers atténuent l'épreuve de Jésus. On voit ici que le Bien n'est jamais éloigné du Mal (ce dualisme faisait partie des croyances de Qumran) ; on a pu précédemment constater que le Baptême en Esprit est immédiatement suivi de la rencontre avec Satan.
"Il était avec les bêtes" : le mot "bêtes" peut avoir une signification positive ou négative : elles peuvent servir de compagnon à l'homme solitaire ou le charmer par leur beauté (François d'Assise et les oiseaux) ; elles peuvent être, aussi, redoutables, littéralement, ou symboliser, comme dans La Divine Comédie, de Dante (L'Enfer, I), un défaut ; Dante commence son ouvrage par sa visite allégorique de l'Enfer :
Au milieu du chemin de ma vie, je me trouvai dans une forêt obscure, hors du Chemin...
Alors, presque au bas de la côte, survint un léopard, agile et bondissant...
Il m'empêchait tellement d'avancer que je faillis, plus d'une fois, m'en retourner...
Après le léopard, il rencontre le lion, puis la louve. Le léopard (ou guépard ? ) symbolise l'envie et la luxure ; le lion : l'orgueil, l'arrivisme, la violence ; la louve : l'avarice, et, anagogiquement, la simonie. Ces animaux représentent, au début de l'Enfer, les tentations du Poète.
A rattacher à l'article 48 : clin d'oeil : un mot : TENTATION / un poème en prose :
"La légende du Grand Inquisiteur", chapitre des "Frères Karamazov", de Fiodor Dostoïevski.
et "Le poème du Grand Inquisiteur" de Fédor Dostoïesvski,. Lectures critiques par Charles Blanchet...Editions Folle Avoine (2001)
"Or, le Grand Inquisiteur est lui-même, au fond, un athée....La conception sublime du christianisme sur l'humanité est abaissée jusqu'à un regard sur cette humanité comme sur un troupeau de bêtes, et, sous l'apparence d'un amour social apparaît un mépris, cette fois non masqué, envers les hommes..."
"Que reproche le Grand Inquisiteur au Christ sinon de ne pas avoir accepté les trois propositions de "l'esprit terrible et profond" lors de la tentation au désert ?" (Charles Blanchet)
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Livres de Marike (décrits sur la toile, dans ce blog, et recensions) :
- Anthologie de la prose française. 1100-1900. Ed. indépendante illustrée. 2005. 480 p. Prix : 26 € (Qui la rééditera ?)
- Etude des Evangiles, suivi de : Les Evangiles et l'écologie - L'Harmattan, coll. Chrétiens autrement. 2006. 155 p. Prix : 14,50 €
- Interroger sa foi. Du calvinisme au judéo-christianisme libéral. Préface du pasteur P. J. Ruff. Editeur : Edilivre. 2013. 261 p. Prix : 20€
Livres de Michel Lefeuvre : http://marike.over-blog.com/2015/02/non-au-materialisme-un-philosophe-des-sciences-art-541.html
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