193 -L'Encyclopédie. "Le christianisme". Diderot. Ma réponse.

Publié le par marike.over-blog.com

Diderot : article : Le christianisme         (sur la toile, à « christianisme » )(essai de réponse ci-après)

 

Dans cet article assez hardi, le christianisme se voit honoré des qualités qu'il devrait avoir, laissant entrevoir le scepticisme des Encyclopédistes.

Le christianisme, je le sais, a eu ses guerres de religion, et les flammes en ont été souvent funestes aux sociétés : cela prouve qu'il n'y a rien de si bon dont la malignité humaine ne puisse abuser. Le fanatisme est une peste qui reproduit de temps en temps des germes capables d'infecter la terre ; mais c'est le vice des particuliers et non du christianisme, qui par sa nature est également éloigné des fureurs outrées du fanatisme et des craintes imbéciles de la superstition. La religion rend le païen superstitieux et le mahométan fanatique : leurs cultes les conduisent là naturellement (voyez Paganisme, voyez Mahométisme) ; mais lorsque le chrétien s'abandonne à l'un ou à l'autre de ces deux excès, dès lors il agit contre ce que lui prescrit sa religion. En ne croyant rien que ce qui lui est proposé par l'autorité la plus respectable qui soit sur la terre, je veux dire l'Eglise catholique, il n'a point à craindre que la superstition vienne remplir son esprit de préjugés et d'erreurs. Elle est le partage des esprits faibles et imbéciles, et non de cette société d'hommes qui, perpétuée depuis Jésus-Christ jusqu'à nous, a transmis dans tous les âges la révélation dont elle est la fidèle dépositaire. En se conformant aux maximes d'une religion toute sainte et tout ennemie de la cruauté, d'une religion qui s'est accrue par le sang de ses martyrs, d'une religion enfin qui n'affecte sur les esprits et sur les coeurs d'autre triomphe que celui de la vérité qu'elle est bien éloignée de faire recevoir par des supplices, il ne sera ni fanatique ni enthousiaste, il ne portera point dans sa patrie le fer et la flamme, et il ne prendra point le couteau sur l'autel pour faire des victimes de ceux qui refuseront de penser comme lui.

Vous me direz peut-être que le meilleur remède contre la fanatisme et la superstition serait de s'en tenir à une religion qui, prescrivant au coeur une morale pure, ne commanderait point à l'esprit une créance aveugle des dogmes qu'il ne comprend pas ; les voiles mystérieux qui les enveloppent ne sont propres, dites-vous, qu'à faire des fanatiques et des enthousiastes. Mais raisonner ainsi, c'est bien peu connaître la nature humaine : un culte révélé est nécessaire aux hommes, c'est le seul frein qui les puisse arrêter. La plupart des hommes que la seule raison guiderait, feraient des efforts impuissants pour se convaincre des dogmes dont la créance est absolument essentielle à la conservation des Etats... La voie des raisonnements n'est pas faite pour le peuple. Qu'ont gagné les philosophes avec leurs discours pompeux, avec leur style sublime, avec leurs raisonnements si artificiellement arrangés ? Tant qu'ils n'ont montré que l'homme dans leurs discours sans y faire intervenir la divinité, ils ont toujours trouvé l'esprit du peuple fermé à tous les enseignements. Ce n'est pas ainsi qu'en agissaient les législateurs, les fondateurs d'Etats, les instituteurs de religion : pour entraîner les esprits et les plier à leurs desseins politiques, ils mettaient entre eux et le peuple le dieu qui leur avait parlé ; ils avaient eu des visions nocturnes ou des avertissements divins : le ton impérieux des oracles se faisait sentir dans les discours vifs et impétueux qu'ils prononçaient dans la chaleur de l'enthousiasme. C'est en revêtant cet extérieur imposant, c'est en tombant dans ces convulsions surprenantes, regardées par le peuple comme l'effet d'un pouvoir surnaturel, c'est en lui présentant l'appas d'un songe ridicule que l'imposteur de la Mecque osa tenter la foi des crédules humains, et qu'il éblouit les esprits qu'il avait su charmer, en excitant leur admiration et captivant leur confiance. Les esprits fascinés par le charme vainqueur de son éloquence ne virent plus dans ce hardi et sublime imposteur qu'un prophète qui agissait, parlait, punissait et pardonnait en Dieu. A Dieu ne plaise que je confonde les révélations dont se glorifie à si juste titre le christianisme avec celles que vantent avec ostentation les autres religions ; je veux seulement insinuer par là qu'on ne réussit à échauffer les esprit qu'en faisant parler le dieu dont on se dit l'envoyé, soit qu'il ait véritablement parlé, comme dans le christianisme et le judaïsme, soit que l'imposture le fasse parler, comme dans le paganisme et le mahométisme. Or il ne parle point par la voix du philosophe déiste : une religion ne peut donc être utile qu'à titre de religion révélée. Voyez Déisme et Révélation.

Essai de réponse à Diderot à propos de son article « christianisme » :

Ce que j'ai apprécié des philosophes, c'est qu'ils déniaisent les religions, y compris le christianisme... et pourtant... pas jusqu'à l'ôter des cœurs.

Je peux faire une comparaison : comment goûter le vin  au mieux : en en faisant une description rationnelle ou en buvant un bon millésime ? Quel sera le plus ignorant : celui qui raisonne avec son intelligence sur le vin ou celui qui le goûte avec plaisir en le buvant ? Quel sera le plus ignorant : celui qui connaît son conjoint avec son intelligence critique ou celui qui l'aime ? A mon avis, la véritable synthèse est celle du goût, de l'amour. C'est celle qui mène à la joie.

A mon sens -mais ceci est une opinion personnelle-  Diderot  a raison de s'opposer aux dogmes, croyances rajoutées à la simplicité des Evangiles, et qui souvent sont faux, à l'éclairage de ces textes de base. Il a raison aussi de dire que les religions enfantent le fanatisme, chacune ayant à la fois trop l'impression qu'elle est la meilleure, et qu'elle doit donc régner partout. Or les religions prennent souvent racine dès l'enfance et, quelque soit la pureté de la religion enseignée, ces racines-là sont presque... indéracinables ; elles conservent inconsciemment le meilleur d'elles, et structurent l'homme pour toute sa vie. Il faudrait donc dire que le seul juge des religions, ou des idéologies, telles que le marxisme, ou l'athéisme,  est ce que l'on peut appeler Dieu, ou la Vérité finale, qui jugera l'arbre à ses fruits.

Diderot fait de l'ironie à propos de l'église catholique qu'il fait semblant de croire parfaite, ce qui n'est pas le cas, loin de là, comme on le sait. Mais le catholique pourrait faire l'inverse envers l'athéisme : nul groupe humain n'est parfait, par définition.

« Un culte révélé est nécessaire aux hommes, c'est le seul frein qui les puisse arrêter. » dit Diderot ; pour moi, j'en suis persuadée. « Les Droits de l'homme » (tirés d'ailleurs du christianisme, de sa civilisation) ne sont pas suffisants pour faire vivre l'âme humaine ;  l'homme ne va pas mourir pour eux : il  a besoin d'un ressort bien plus fort pour se cultiver, et pour agir. Il se trouve que Jésus est historiquement prouvé. Quel meilleur guide de sagesse pouvons-nous avoir, nous les Européens de souche ? Il nous promet un aboutissement personnel spirituel, et, d'après son message et son exemple, nous le croyons. Nous avons un but qui structure notre vie.

« La voie des raisonnements n'est pas faite pour le peuple. » dit encore  Diderot, faisant comme s'il croyait à ce qu'il disait (un philosophe, vous pensez !), mais le lecteur n'est pas dupe, et il aurait alors tendance à être influencé par lui. En réalité, pour moi, l'idéal n'est pas un athée, mais un croyant éclairé. Il y en eut plus d'un, et célèbres, au cours des siècles, mais ce ne sont pas eux que l'athéisme met en relief. L'athéisme préfère se cantonner à quelques philosophes du XVIIIe siècle, en oubliant volontairement « tous les autres ».

« ...pour entraîner les esprits et les plier à leurs desseins politiques, ils mettaient entre eux et le peuple le dieu qui leur avait parlé ; ils avaient eu des visions nocturnes ou des avertissements divins »

     Poursuivons le raisonnement de Diderot : les dirigeants manipulateurs politiques du religieux sont nombreux, au cours des siècles -personne ne le nie- car le religieux n'est pas l'ennemi d'une organisation terrestre, et a conscience que le peuple doit obéir à ses lois et à ses dirigeants, fussent-ils insuffisants.

     Ces convulsions surprenantes est une manière dépréciative de nommer les manifestations du mysticisme,  bien qu'il y ait eu aussi dans toutes les religions des mystificateurs, des menteurs, pour - à ce qu'il leur semblait- mieux attacher les hommes à leur religion.

 En conclusion, Diderot mêle habilement mensonge et vérité pour mieux convaincre : il n'est pas impartial et l'on doit discuter en classe un texte comme celui-ci, en dégageant les aspects positifs des aspects négatifs, car dans le monde des hommes, où que l'on se tourne, rien n'est parfait. Rappelons que tous les philosophes ont bénéficié d'une culture et d'une pratique religieuses d'une civilisation religieuse, dans leur enfance, ce qui leur permet, à mon sens, de penser (plus correctement, oserais-je ajouter) en dehors d'elle ! 

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www.classes.bnf.fr - www.classes.BnF.fr  -http://classes.bnf.fr/DOSSITSM/redacteu.htm

BnF: Tous les savoirs du monde : Encyclopédie (1)

Chronologie et présentation de l'aventure encyclopédique. Bibliothèque nationale de France.
classes.bnf.fr/DOSSITSM/fabrency.htm

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