194 - Autour de l'édit de Torda (1568) - Tolérance...

Publié le par marike.over-blog.com


 Autour de l'édit de Torda (1568)[1]

 

A l'occasion de la nomination du pasteur Maria Pap à la tête de l'Eglise Unitarienne Francophone

 

En 1558, quatre ans avant la Saint Barthélemy, Ferenc (Francis) David (vers 1515-1579) fait adopter par la diète de Transylvanie, réunie à Torda (ville près de Cluj-Napoca), en présence du roi Jean Sigismond, Jean II Zapolya, l'édit suivant :

« Nous décrétons que tout prédicateur est libre de prêcher et d'expliquer l'Évangile tel qu'il le comprend.[...] Aucun prédicateur ne doit être inquiété et sanctionné par les autorités civiles ou ecclésiastiques à cause de son enseignement. Personne ne doit être privé de travail ni emprisonné, ni puni de quelque manière que ce soit à cause de ses opinions religieuses. Car la foi est un don de Dieu, et elle vient de l'écoute de la Parole de Dieu. »


Qui est Ferenc Dávid (1515 - 1579) ?

 « Né à Cluj-Napoca vers 1515, formé à l'Université luthérienne de Wittenberg, Ferenc Dávid exerce de hautes responsabilités dans les Églises luthériennes de Transylvanie avant de se rallier au calvinisme en 1564, entraînant avec lui les luthériens hongrois. Il devient le fondateur de l'Église réformée de Transylvanie.
Prédicateur de la Cour, il exerce une grande influence sur le roi Jean Sigismond

 


. ... Son refus d'imposer ses convictions par la contrainte mérite une grande considération. »


Sa tolérance :

En 1568, Dávid peut imposer dans tout le pays ses convictions, faire chasser, emprisonner ou exécuter ses adversaires qui ont essayé de l'éliminer. Pourtant il écrit au roi :

« Je supplie votre Majesté de ne pas blâmer ni sanctionner mes accusateurs. Ils doivent être laissés libres d'écrire, d'enseigner, de s'en prendre à moi. Ils doivent avoir la possibilité de m'attaquer comme ils le désirent. Ce sera Dieu qui défendra lui-même sa propre cause. »

Son action est très mal vue dans toute l'Europe à cette époque.


Que deviendra-t-il ?

« En 1571, à la mort du roi Jean Sigismond, les grandes puissances, Allemagne et Turquie, écartent le successeur qu'il avait désigné. Les unitariens perdent leurs soutiens politiques. Un acte d'accusation est dressé contre Dávid. En avril 1579, le procès s'ouvre. Ses accusateurs, des calvinistes, demandent sa mort. Le nouveau pouvoir le condamne à l'emprisonnement à perpétuité. On l'enferme dans le château à Déva. Personne n'a le droit de le visiter, et on ne sait rien sur ses derniers mois. Il meurt en novembre 1579. »


Qui le convainc d'unitarisme ?

 « Biandrata, un médecin italien qui espère créer en Pologne et en Transylvanie un grand centre unitarien, expose à Dávid ses doutes sur la Trinité, et le convainc qu'elle n'a rien de biblique. Dávid, suivi par la population de Cluj-Napoca, la majorité de l'élite intellectuelle et de la noblesse hongroise, et par le roi lui-même, devient unitarien. À ceux qui l'accusent de se rallier au judaïsme ou à l'Islam, il réplique :

« Dieu m'est témoin que ce que j'ai appris et enseigné ne vient ni du Coran, ni du Talmud ni de Servet, mais de la Parole du Dieu vivant. Mon enseignement se fonde uniquement sur ce que contient la Bible. »

***

Rappels géographiques :

(Rechercher par Google "carte géographique de la Roumanie") : elle est excellente !...mais trop grande pour l'insérer ici, vraisemblablement)

 

La Transylvanie (Transilvania, du latin trans-silvanus, signifiant le pays « au-delà des forêts »)  est aujourd'hui une région du centre-ouest de la Roumanie. Elle est bordée au Nord par l'Ukraine, au Nord Ouest par la Hongrie, au Sud Ouest par la Serbie, au Sud par la Valachie (province roumaine, Bucarest n'est pas loin) et les Alpes transalpines, à l'Est par la Moldavie (province roumaine et le vaste massif des Carpathes). La Roumanie, comme la Russie et la Turquie, a un débouché sur la Mer Noire. On voit donc les multiples influences différentes subies dans cette région.


L'histoire ancienne de la Transylvanie :

 

le territoire aux trois nations nobles :
- les Sicules ou Szeklers : leur origine est soumise à discussion, ceci d'autant plus que selon l'option choisie cela leur donne ou non l'antériorité d'installation sur les Hongrois. Ainsi, certains les considérent comme venus avec les Avars (d'origine asiatique), d'autres comme étant des Khazars (turcs juifs d'origine) magyarisés. Installés sur les contreforts des Carpates, ils acquierent leurs privilèges auprès des Rois de Hongrie, en contrepartie de la protection des frontières qui leur est dévolue.
- les Hongrois ou magyars : arrivés dans le courant du Xème siècle à l'occasion des mouvements de populations générés par la chute des Avars. Ils assurent leur hégémonie sur le territoire, notamment par une politique active de colonisation.
- les Saxons : En effet, dans le courant du XIIème siècle, les Rois de Hongrie établissent en Transylvanie de nombreux colons saxons (pour l'essentiel dans 7 villes majeures, d'où le nom germanique de ce territoire), venus essentiellement de Rhénanie. En 1211, les chevaliers teutoniques sont à leur tour appelés, renforçant davantage encore les implantations germaniques dans cette partie du Royaume de Hongrie. En conséquence de cette situation, en 1224 par le Privilegium Andreanum, les Saxons de Transylvanie reçoivent du Roi André II de Hongrie l'autonomie territoriale, politique et religieuse.


- On notera par ailleurs que les Roumains, dont la présence sur le territoire est avérée depuis le XIIème siècle, mais est peut-être antérieure (c'est un sujet de polémique historique entre Hongrois et Roumains, qu'il n'est pas ici le lieu de trancher) ne sont donc pas reconnus dans cette "Union des Trois Nations", comme nation privilégiée.


L'histoire au XVIe siècle :


1) la situation politique :


Depuis son rattachement à la Hongrie, celle-ci est administrée par des Voïvodes (Princes) au nom du Roi de Hongrie. Les armes des Souverains sont donc celles des Rois de Hongrie.
En 1526, la bataille de Mohacs qui voit l'anéantissement de l'armée hongroise par l'armée turque et la mort du Roi de Hongrie Louis II Jagellon, marque un tournant crucial dans l'histoire de la Transylvanie et la tripartition du pays : L'Ouest est sous la domination des Habsbourg, la partie centrale passe sous la domination turque, la Transylvanie paie un tribut au Sultant mais conserve une ceraine autonomie.
En effet, le décès sans héritier direct du Roi, cumulé à la défaite écrasante, provoque une crise politique et de succession majeure. Une grande partie de la noblesse hongroise et notamment l'essentiel de celle installée en Transylvanie, choisit, notamment sous la pression turque comme nouveau Roi de Hongrie, Jean I Zapolya (1526-1540), jusqu'alors Voïvode ou prince de Transylvanie (auquel succèdera son fils : Jean II Zapolya ou Jean Sigismond (1540-1571), tandis qu'une minorité de cette même noblesse hongroise, principalement celle installée dans la partie occidentale du Royaume, choisit comme nouveau Roi, le beau-frère de Louis II Jagellon, l'Archiduc d'Autriche, Ferdinand de Habsbourg (futur Empereur Ferdinand Ier ), qui par ailleurs héritait du Royaume de Bohême (appartenant lui aussi à Louis II Jagellon). Dans le cadre des négociations entre Ferdinand de Habsbourg et Jean Zapolya I (et donc avec le Sultan), Jean Zapolya conserve le territoire de la Transylvanie et le titre de Roi de Hongrie (ce dernier devant revenir à sa mort à Ferdinand), tandis que Ferdinand recevait les territoires occidentaux du Royaume de Hongrie (Croatie, Slavonie, Hongrie occidentale).
A compter donc de cette date de 1526, et pratiquement jusqu'au début du XVIIIème siècle, la Transylvanie va donc avoir ses propres Souverains (titrés Roi de Hongrie jusqu'en 1540, puis Prince de Transylvanie), sous la suzeraineté ottomane.[2]


2) Et après les Jean Zapolya ? 



Étienne Báthory (hongrois Báthory István, rou. Ştefan Bathory, pol. Stefan Batory , lituanien Steponas Batoras), voïvode ou prince de Transylvanie puis roi de Pologne, et catholique fanatique.

Fils cadet du voïvode de Transylvanie István Báthory (francais Etienne Bathory) né à Şimleu/Somlyo le 27 septembre 1533, d'une des familles les plus nobles et les plus anciennes de la Hongrie

Il fut élu prince de Transylvanie le 25 mai 1571. Sous son règne à partir de 1575 la Transylvanie paya un tribut annuel de 15 000 florins au Sultan.

Il succéda en 1575 à Henri de Valois sur le trône de Pologne, par l'influence du sultan turc Murad III, qui le soutint contre son compétiteur, Maximilien d'Autriche. Pour légitimer son accession au trône il épousa le 1er mai15761523-1596) la sœur de Sigismond II Auguste le dernier roi de Pologne de cette dynastie. Anna Jagellon 

Il reprit Dantzig sur l'Empereur, vainqueur trois fois du tsar Ivan le Terrible il força les Russes à lui céder la Courlande et une partie de la Livonie. Il apporta de sages réformes dans le gouvernement civil et fonda l'université de Wilno en Lituanie.

Il pensait à faire de la Pologne, un royaume héréditaire lorsqu'il mourut le 12 décembre 1586 à Grodno d'un accès de colère (probablement victime d'une rupture d'anévrisme). Il fut inhumé à Cracovie dans la crypte de la Cathédrale du Wawel.



3) La situation religieuse : La Réforme en Hongrie :

Les idées de Luther pénètrent en Hongrie dès 1520 mais le luthéranisme touche surtout les Allemands du nord de la Hongrie (l'actuelle Slovaquie) et les villes.

Le courant réformé gagne le pays dans la seconde moitié du XVIe siècle. Mihály Sztárai et István Szegedi Kiss (1506-1572) sont deux prédicateurs influents ainsi que l'évêque de Debrecen, Pierre Méliusz, auteur de la première confession réformée hongroise (1559). Mais en 1567, se réunit à Debrecen le premier synode qui adopte la Confession helvétique postérieure (1566), oeuvre de Bullinger. La ville de Debrecen joue un rôle important dans le développement des Églises réformées et sera appelée la « Genève hongroise » ou la « Rome calviniste ».

Les Églises réformées sont regroupées par provinces, sous la direction d'un surintendant ou évêque. Mais il n'y a pas d'assemblée nationale et donc pas d'uniformité de cette Église en raison de la situation politique.

La principauté de Transylvanie (aujourd'hui située en Roumanie) garde une certaine autonomie en pratiquant une politique d'équilibre entre Istanbul et Vienne. Elle devient le refuge de la culture hongroise. Le calvinisme s'y répand rapidement.

Le mouvement  unitarien   se développe à partir de 1560, sous l'impulsion de l'ancien évêque luthérien Ferencz Dávid . Ce mouvement qui nie la doctrine de la Trinité comme contraire aux Écritures se répand à Cluj (Koloszvar en hongrois, Klausenburg en allemand, c'est Cluj-Napoca en roumain) : et gagne le prince Jean Sigismond (1540-1571). Celui-ci fait accepter à la Diète de Torda, en 1568, un édit de tolérance religieuse, le premier en Europe. L'Église unitarienne, après une existence difficile (Contre-Réforme, Communisme), est toujours présente en Transylvanie, parmi la population hongroise, avec environ 70.000 fidèles.

Le Calvinisme est sauvé en Hongrie par la rébellion de István Bocksai contre Vienne qui a reçu la soumission de la Transylvanie lors d'une guerre contre les Turcs (1591-1606). À la tête d'une armée de paysans, il reconquiert la souveraineté de la Principauté et la liberté religieuse. Ce pieux calviniste qui sauva le Calvinisme en Transylvanie et en Hongrie est représenté sur le mur des Réformateurs à Genève, un sabre à la main, avec cette phrase qu'il aurait prononcée : « l'indépendance de notre foi, notre liberté de conscience et nos anciennes lois ont pour nous plus de valeur que l'or. »



La première moitié de l'année 1568 en Europe (source Wikipedia)..

6-13 janvier : Le compromis de Torda en Transylvanie reconnaît quatre religions : catholicisme, confession d'Augsbourg, confession Helvétique (Église réformée) et unitariens. 

17 février : Paix d'Andrinople entre l'empire ottoman et Maximilien II d'Autriche. Statu quo territorial : la Hongrie est partagée entre l'empereur, la Transylvanie et les Ottomans. L'empereur continue à payer un tribut annuel de 30 000 florins, reconnaît l'indépendance de la Transylvanie et admet une zone frontière en Hongrie. Le traité est renouvelé en 1575, 1584 et 1590.

Les Habsbourg créent en Hongrie une « frontière militaire » composée d'une série de places fortes, s'ajoutant au châteaux fortifiés des Palffy et des Rakóczi, de la mer Adriatique aux monts de Slovaquie. En face, les Ottomans construisent des fortifications plus légères. La frontière est stabilisée pour un siècle.

21 février : Le Duc d'Albe, nommé gouverneur des Pays-Bas en 1567, noie dans un bain de sang l'expansion du protestantisme. Plusieurs milliers d'exécutions eurent lieu.

13 mai : L'armée de Marie Stuart est écrasée par Murray à Langside. Marie doit se réfugier en Angleterre, où elle passe dix-huit ans en prison. Le parti catholique se regroupe derrière elle contre Élisabeth Ire, et plusieurs tentatives sont faites pour la mettre sur le trône d'Angleterre (Norfolk, Badington).

1er juin : Louis de Nassau délivre des lettres de marque à des équipages pour leur permettre d'attaquer légalement les vaisseaux espagnols. Guillaume de La Mark réunit les corsaires (Gueux de mer), reconnus par le Taciturne.

5 juin : exécution par le duc d'Albe des comtes de Hoorne et d'Egmond, alliés de Guillaume le Taciturne, pour leur trop grande tolérance.

14 juin : Alexandre Mircea (1529-1577), descendant de Vlad Dracula est nommé prince de Valachie grâce au soutient du vizir Mehmed Sokolli (fin en 1577). Il fait massacrer dès son accession au trône plus de deux cents boyards compromis lors des règnes de ses prédécesseurs (août-septembre).

***

La contestation d'un forum orthodoxe sur la toile ! (forum-orthodoxe.com)

A... propos de « l'édit de Torda (1568) », et des unitariens.

(Que vaut cette contestation historiquement parlant ? quelles sont les sources de ces renseignements ? Sont-elles fiables ?...car on sait que les orthodoxes n'admettent pas l'unitarisme au sein du COE)

Quelle est la part exacte des orthodoxes en Transylvanie ?
Au Moyen Age, les populations locales "Valaques"(soit roumaines) et "Slavonnes" (slaves), sont orthodoxes...L'évêché catholique d'Alba Iulia est fondé à cette époque, pour contrer l'orthodoxie. Plus tard, les nouveaux seigneurs Hongrois sédentarisent dans la partie orientale de la Transylvanie des mercenaires, les Szeklers (dits Sicules), colons aux origines incertaines (finnoises ? turques ? mongoles ?), mais de langue hongroise. Devenus eux aussi catholiques, ils prennent en charge la garde des frontières à la place des "Valaques" orthodoxes....Au Moyen Âge, l'aristocratie roumaine (les boyards), sommée de renoncer à l'orthodoxie ou de partir, quitte le pays vers la Moldavie et la Valachie, au-delà des Carpates, ...Jusqu'en 1366 la Transylvanie a connu une organisation politique où, outre l'aristocratie magyare, les "Saxons", les "Szeklers" et les "Valaques" (Roumains de langue latine) étaient représentés à la Diète (Universis nobilibus, Saxonibus, Syculis et Olachis). Ils formaient ensemble un Tiers état (congregatio generalis) pouvant proposer et voter des lois, et être délégué pour prendre des mesures exécutives concernant l'ordre public, les relations entre groupes ethniques et confréries professionnelles, voire les questions militaires.

Mais en 1366, par un autre « Édit de Turda », le roi Louis Ier de Hongrie redéfinit l'accessibilité à la congregatio generalis et à la Diète, désomais conditionnée par l'appartenance à l'Église catholique. Bien que l'édit ne le mentionne pas ouvertement, cela en exclut la majorité orthodoxe roumaine, les Valaques de Transylvanie, population de langue latine. La noblesse roumaine doit se convertir (et se magyariser) ou s'exiler (en Moldavie et Valachie), et les "valaques" orthodoxes sont placés en situation de servage, de soumission . A partir de là, seuls les catholiques, Hongrois, Szeklers (ou Sicules) et Saxons sont reconnus comme "nations" (Unio Trium Nationum de 1438).



[1] Source sur la toile  : l'article d'Evangile et Liberté d'André Gounelle d'avril 2004 n° 176

[2] source : www.heraldique-europeenne.org/Regions/Europe_Orientale/Transylvanie.htm - 31k - Principauté de Transylvanie. Pour le détail des relations de pouvoir incessantes entre la Hongrie et les Ottomans, à propos de la Transylvanie, voir le site wikipedia, Transylvanie, principauté.

 




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