214 - L'Eglise et la Foi, par le docteur André Gounelle
Extrait d'un livre d'André Gounelle : Les grands principes du Protestantisme, Paris 1985, éd. Les Bergers et les Mages. Cet extrait est tiré du chapitre 4 concernant la définition et la mission de l'Église. )
Article trouvé dans « Le Messager », bimestriel de l'église protestante de Liège / Marcellis (Belgique), pp. 13-14.
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Dans une optique protestante, vient d'abord le lien avec Jésus-Christ, qui est personnel, direct, sans intermédiaire. La relation se noue dans l'écoute de la parole de Dieu, et a pour conséquence le rattachement à une institution ecclésiastique. Comme l'écrit Schleiermacher, un théologien allemand du début du XIXe siècle, le protestantisme « fait dépendre le rapport de l'individu à l'Église de son rapport à Jésus-Christ », ce que l'on peut figurer par le schéma suivant
Jésus-Christ > Fidèle > Église
Le Christ rencontre d'abord le croyant, et le fait entrer ensuite dans l'Église. Il donne l'Église au croyant pour l'aider à vivre sa vie chrétienne.
Dans une perspective catholique, au contraire, le croyant ne peut rencontrer Jésus-Christ que dans l'Église et par son intermédiaire. Comme le déclare le Concile de Vatican II, « le Christ devient présent par son corps qu'est l'Église ». Le catholicisme, écrit Schleiermacher, « fait dépendre le rapport de l'individu à Jésus-Christ de son rapport avec l'Église », ce que l'on peut figurer par le schéma suivant
Jésus-Christ > Église > Fidèle
Même si, incontestablement, ces deux schémas simplifient un peu les choses, ils me
semblent bien rendre compte de la différence entre deux logiques et deux démarches. D'un côté (le catholicisme), on croit que le Christ se trouve présent dans l'Église, et qu'à travers elle, par son ministère, il atteint les fidèles. Jésus se donne aux hommes par l'Église qui exerce donc une fonction médiatrice ; il ne peut donc pas exister de foi totalement vraie et authentique en dehors de l'Église ou sans elle. De l'autre côté (protestantisme), on croit que l'Église naît et ne vit que parce qu'il y a une foi authentique. On ne considère pas tellement l'Église comme la « mère » du
croyant (la mère de la foi) que comme sa « fille ». Elle n'est pas la source de la foi ; elle
en est plutôt le fruit.
L'autorité de l'Église
On a souvent reproché aux protestants leur individualisme. Pourtant, à condition qu'il ne
tombe pas dans l'égoïsme, le repli sur soi et l'oubli des autres, cet individualisme me
paraît positif. Il s'enracine dans le lien personnel du croyant avec Dieu, et dans le
sentiment de sa responsabilité propre. Dans la foi, je me trouve directement devant Dieu, en sa présence, à son écoute.
L'Église ne vient pas s'interposer entre Dieu et moi ; elle ne réglemente pas ma relation au Christ, et n'a aucun pouvoir sur le lien qui m'unit à lui.
Il n'appartient donc pas à l'institution ecclésiastique de dire ce qu'il me faut croire et faire. Je dois me décider personnellement devant Dieu, en fonction de sa parole. L'Église n'exerce aucun magistère. Il n'entre pas dans ses attributions de définir des dogmes que je devrais accepter, ni des règles morales auxquelles je devrais me soumettre. Elle a pour vocation d'être la place et le moment où je suis appelé à écouter la parole de Dieu et à y conformer ma vie. Elle m'aide à réfléchir sur ce que signifie la foi chrétienne, et sur ce qu'elle implique concrètement. Elle sort de son rôle légitime quand elle entend me dicter mes croyances et mon comportement, lorsqu'elle prétend juger de la foi ou de la conduite de ses fidèles. C'est le Christ qui a autorité, non l'Église. Quand on demande aux dirigeants et aux assemblées ecclésiastiques de prendre position sur tel ou tel point, d'indiquer la bonne doctrine ou la bonne pratique, on adopte une attitude catholique et on abandonne un principe essentiel du protestantisme.
La paroisse locale
Pour la Réforme, l'événement de la parole de Dieu annoncée et reçue à travers la prédication et les sacrements constitue l'Église. Le protestantisme accorde une très grande importance au lieu où cet événement se produit : la paroisse locale où des gens se réunissent au même endroit pour entendre la prédication et participer aux sacrements. Là se trouve la réalité de l'Eglise.