462 - Compte rendu de lecture de : "La Mémoire et le Sacré". P. Chaunu.

Publié le par marike

Mon compte-rendu personnel de lecture de "La Mémoire et le sacré", de Pierre Chaunu, historien :

4 pages  pour 351 pages, en édition de poche n° 8336 E  (les numéros entre parenthèses renvoient aux pages du livre de proche)

Publié pour la première fois aux éd. Calmann-Lévy en 1978, un an avant La Nouvelle Alliance de Ilya Prigogine, (Gallimard 1979)

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-Une société ne peut vivre sans mémoire ; celle-ci a été largement préservée depuis la double invention du langage et de l'écriture, malgré les idéologues qui ont tenté de la faire disparaître.


- Une société ne peut vivre sans la philosophie qui cherche son "rapport personnel à l'être".

          L'athéisme dans ses grandes lignes, d'abord marxiste, puis darwiniste, ne mène à rien.Il est d'abord une religion parmi d'autres, car qui peut affirmer que Dieu n'existe pas ?

          L'agnosticisme seul  est naturel, plus ou moins chez tout homme, car aucun homme ne peut savoir avec certitude tout ce qui a trait aux origines et aux fins dernières.

En effet l'être ne peut être créé à partir de rien, du néant : "Au commencement, Dieu créa". La Genèse biblique est confirmée au XXe siècle par le Big-Bang originel, découvert par plusieurs savants (Mgr Lemaître, Gamow, Friedmann, Omnes, Einstein, Hubble....etc...) . Dieu, le maître du temps et de l'espace, appartient au domaine de l'éternité.

            Le christianisme occidental : le recul des Eglises au profit de "rien" est très grave car s'efface la perspective de la mort, de la vie ; un cadre vaste dans lequel s'insère le parcours limité de l'homme ; celui-ci revient à la courte vue de l'animal qu'il est en partie. 

 

- La démographie : on constate un taux de natalité très élevé dans tous les pays sous développés et une baisse de natalité très inquiétante pour la race blanche, dans tous les pays développés, occidentaux (un seul exemple : "Le retrait de la vie se solde donc par un niveau de pertes humaines de 30% supérieur aux pertes de la guerre de 14-18, à la moitié des pertes humaines de la guerre 39-45." (page 31). En même temps, l'émigration de moins en moins contrôlée peut faire craindre à terme une extinction de notre civilisation.
          Les remèdes : le planning familial dans les pays en voie de développement, et dans les pays développés, au lieu de l'avortement, l'adoption à la naissance par des familles autochtones ; cela évite la destruction volontaire de l'embryon ou le meurtre de l'enfant à naître, les traumatismes psychiques de la mère à ce sujet, et cela rend heureux les couples stériles. La liberté essentielle pour l'enfant est celle de vivre (page 150). De plus, personne ne peut dire si ce destin du petit d'homme est voulu d'en haut ou s'il est l'effet du hasard. Il est donc préférable que le législateur soit prudent, car plus d'un homme est partisan d'une transcendance ; il n'est qu'à observer dans ses aspects majeurs la nature de toutes parts, l'univers, le cerveau humain en fin d'Evolution, et l'immense génie qui les  conçut pour ne pas se prononcer hâtivement.

La France est le pays qui a su le mieux dans le passé, à partir de 1939 jusqu'en 1950 environ (pages 87-88), par une politique d'aide financière conséquente, favoriser les naissances.

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Les primates, notre origine, vivent en sociétés fortement inégalitaires ; plus l'homme prime dans l'animal qui est en lui, plus il s'individualise. Cette individualisation a lieu en Grèce et en Palestine vers les VIe et Ve siècles avant J. C. L'on passe de la résurrection collective du peuple hébreu dans la Bible à la promesse de résurrection individuelle. Les civilisations individualistes ne peuvent survivre que par un rapport à la transcendance

 

L'Etat et l'Eglise. Laïcité, athéisme et religions : 

La différence entre le judéo-christianisme et une théocratie :
Dans la Genèse (I, 31 et II, 1 à 3), livre commun biblique des juifs et des chrétiens, la création se fait en 6 jours et le 7e jour est celui du repos. Le 4e des 10 commandements (Exode XX, 8 à 11) est calqué sur le passage précédent : l'homme travaille 6 jours et se repose, offre un culte à Dieu, le 7e jour.

L'homme ne consacre donc à Dieu qu'un jour sur 7 ; le reste du temps il est autonome dans une société civile.

Dans une théocratie, tout l'univers est Dieu lui-même ; tout doit être rapporté à Dieu ; la société est consacrée à Dieu à temps complet. Cet univers ne peut avoir de commencement, puisque la création (divinisée) ne peut sortir de rien ; cet univers divinisé devrait porter la marque de l'éternité... or l'homme est mortel.

            Dans ce sens, une croyance qui ne tient pas la route est celle de Parménide (VIe s. avt J. C.), et plus tard celle de Spinoza : l'être c'est l'univers.

Une société laïque, une société civile, n'est pas engagée dans la totalité de l'être  ses buts ne sont que relatifs. La connaissance et la pratique sont relatives. Cela suppose une transcendance, une création de l'univers par Dieu, et une politique qui n'engage pas la totalité et surtout pas la vérité.

L'équilibre entre société civile et religions est fragile, instable ; tantôt l'une tend à prendre le dessus, tantôt l'autre. Elles sont complémentaires.

L'apport du religieux : la liberté d'une conscience de soi sous le regard de la mort.

L'Evolution arrive au sommet de la création avec l'Homme ; mais dans un monde divin sans commencement ni fin a-t-elle encore sa place ? Vivre est stupide si c'est face au seul néant.

Le discours cohérent dureligieux sur l'être, la mort, la liberté, le destin.

            Le projet socialiste s'engouffre dans le vide que les églises ont laissé se creuser. Il a la mémoire courte. L'individu doit jouir de la liberté pour accomplir son destin face à la mort tandis que le socialiste marxiste doit oublier la mort pour travailler avec les autres à plus de justice dans la répartition des biens. On débouche alors sur la société de consommation que le capitalisme américain a réalisé mieux qu'eux. (page 150)

Liberté d'entreprendre, liberté de posséder : cet ensemble forme un bloc, conçu sous les Lumières (150-157) mais il y eu bien des abus (propriété esclavagiste, propriété ecclésiastique sous la Révolution...). Ceci est un acquis historique de la chrétienté (p. 158) : l'homme a droit au fruit de son travail ; il est protégé par celui-ci ; la propriété, droit inviolable et sacré. Attention à la restriction de la propriété individuelle (177)

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L'Education Nationale : la promotion égalisatrice des cancres (183).

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Quelques citations-jalons pour l'homme :

- face à la durée de l'univers (13 milliards d'années), le temps de l'homme (sous le regard de la maort) est très court (50 000 ans)

- L'homme est la conscience d'une durée

- L'homme se joue autour de la conscience de la mort (193)

- L'homme responsable de sa mort est une idée judéo-chrétienne.

- L'histoire étant un moyen de contourner la mort elle aspire follement à tout retenir. (200)

- La survie du passé, dans une Eternité en dehors de l'espace et du temps.

- Ramasser notre passé humain (40 000 ans), conquérir cette durée pour mieux nous construire.

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Etre et connaître (ontologie et épistémologie)  (p 8 du résumé long ci-dessous) :

 

Cela fait 2500 ans que nous avons le souci d'écrire notre histoire : Hérodote, le premier historien voit mourir dans sa jeunesse les premiers philosophes : Parménide et Héraclite.

 

Il n'y a jamais eu que 2 chapitres dans le grand livre des philosophes : l'être et le connaître.

La crise de notre civilisation découle en partie du fait que nous avons trop vite fermé le chapitre sur l'être.

Et pourtant, sans rationaliser le rapport à l'être, au monde, à son principe, à la liberté et à la mort, on ne peut vivre en homme (205).

Dans le partage laïc d'une société de liberté, la société civile ne peut, ne doit pas déborder dans l'ordre des causes premières et des fins dernières. Elle ne peut assumer un discours ontologique sur le sens de la vie, du monde et de la mort, sinon elle s'expose à dégénérer dans une société de sacrilège et d'oppression.

Le partage laïc ne devrait pas impliquer le silence sur l'essentiel. L'épanouissement des Eglises (qui, pour être efficaces, fidèles et vraies, doivent toujours s'écrire au pluriel) devrait, à la limite, au contraire être son but. Au contraire, le legs de conflits entre une Eglise majoritaire et la société civile a fait remplacer les Eglises par la seule société civile. Les Eglises ont renoncé à un discours ontologique pour une action et un discours purement civils, d'où une confusion des 2 mondes, le religieux, qui s'efforce de cerner l'être et le sens des êtres et des choses, et la science ou connaissance des phénomènes, au niveau des apparences, d'où un affaiblissement très grave et quasi mortel de la société et de la connaissance. (207).

Dans le passé on a soumis la science à la religion, erreur inverse (voir le concordisme). 

Pour se garder contre les naïvetés d'une philosophie de l'être  il n'est pas nécessaire de procéder à la déification du hasard.

Science et philosophie doivent rester indépendantes. 2 champs distincts ne signifient ni conformes ni contradictoires. "S'il devait y avoir contradiction demain entre, d'une part,  ce qui est attesté à mon coeur et à mon esprit sur l'essentiel qui touche à la vie et à son sens, à la mort et à sa signification, et d'autre part la science, je n'hésiterais pas et je choisirais ce qui est attesté à mon coeur et à mon esprit." (209) cette attitude d'esprit s'appelle le fidéisme. (en réalité la science n'a jamais fini de découvrir, comme aujourd'hui la physique quantique qui renverse les certitudes de la physique classique, donc son  présent n'est pas toujours sûr)

Il est évident que la science ne peut rien dire sur l'au-delà de la mort.

Notre conviction : l'Incarnation en Christ, l'Oint (ou oints de Dieu ; l'Esprit de Dieu entre dans la chair) pour le Salut, dépassement du Mal et de la Mort, jusqu'à l'éclatement du temps dans une Eternité qu'on ne peut définir...

Aucun discours scientifique ne peut affirmer le néant plutôt que l'être, ni l'inverse. Si la science déborde son champ, la démarche est légitime, mais à condition d'être annoncée. Inversement la religion a mis des freins à la science, par exemple dans le fixisme des espèces voulues par Dieu et au contraire le transformisme a mené à l'Evolution des espèces, que Lamarck est le premier à avoir découverte.

La coexistence des 2 domaines, science et religion, se fait à la fin du XXe siècle ni mieux ni plus mal qu'en un autre temps. (211).

Au fond de la mémoire nous trouvons peut-être la justification de l'être, du monde et de la liberté. Appelons-la, provisoirement, le Sacré.

Du début de l'univers jusqu'à l'éclatement d'une conscience qui s'achève dans la prétention à l'autonomie dans le temps... (jusqu'à) la liberté du mauvais choix, la conscience de la temporalité et la découverte de la vérité du devoir mourir.

L'histoire écrite dans la terre et dans la pierre retrouve les grandes lignes de l'histoire écrite dans le livre du commencement de nos anciennes écritures.

La conscience d'une liberté repliée sur elle-même et miroir de l'univers est unique.

Vous ne savez que ce que construit votre intelligence à travers la mémoire. Que serait ce monde sans vous ?  Existerait-il sans votre regard ? A moins qu'il n'y ait quelque part une conscience plus grande que la nôtre pour qui notre conscience et le monde aient un sens ? Pour le moment laissons là l'hypothèse.

Pourquoi sacrifierais-je l'être premier de tout, cette conscience, à l'être second, à l'être reflet qu'elle me renvoie de l'hypothèse du monde qui m'entoure ? (215)

 En vérité la pensée philosophique depuis ses origines oscille entre 2 mondes :  le monde (Parménide, Héraclite et plus tard Aristote) et la conscience de notre liberté (Platon et Aristote). Puis le Je pense, donc je suis de Descartes. On peut faire glisser le primat de la connaissance par la raison à celui de l'existence : "Je suis la conscience de ma liberté, de ma temporalité, de ma mort... donc je suis.... et en moi se reflète une partie de l'univers, et ma mémoire est riche de messages que je n'arriverai jamais à déchiffrer totalement...

Le droit absolu du connaissant à recevoir une place première dans l'univers... Rémy Chauvin souligne le ridicule du néo-scientisme des années 1950-1960. Comment admettre que la science de l'homme ait une valeur si sa conscience, qui est à l'origine de la connaissance, n'en a aucune ? Objectivité et subjectivité. L'homme scientifique idéal pourrait-il comprendre le cosmos sans se comprendre soi-même ? (220). La philosophie classique place au centre de la connaissance la pensée du connaissant (Bergson pp221-222). Le panthéisme d'Edgar Morin (225 à 227). Le problème de la connaissance est insoluble et le panthéisme ne le résout qu'en atténuant l'irréductibilité de la conscience. Ce problème est résolu dans les 2 affirmations de la Genèse : Dieu créa les cieux et la terre.... et Faisons l'homme à notre image  (Ge. I, 1 et 26)

L'irréductibilité vraie de la conscience d'une liberté  dans la temporalité sous le regard de la mort. En Dieu se trouve la source commune de l'être et du connaître (229).

Affirmer que la vie est ssans but est une option philosophique intenable, dont la logique devrait conduire à l'arrêt de toute recherche ; la laïcité devient laicisme.

 L'Eglise de cette partie du monde où nous sommes et, je préfère lui donner son vrai nom, l'église judéo-chrétienne.

Publié dans Société

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