267 - « L'Institution de la religion chrétienne ». II,14. Le Médiateur : nature et personne.

Publié le par marike.over-blog.com

21 07 09


267 - « L'Institution » Calvin. II,14. Le Médiateur : Deux natures, mais une personne.

 

A la lecture de ce chapitre, une fois de plus je trouve que « ce n'est pas clair » ! Mais je vais essayer de vous rapporter, lecteur, ce que je peux...


La Parole a été faite chair (Jean 1.14)

 

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Pendant des siècles de chrétienté, les discussions ont été vives sur le sujet de la ou des natures du Christ, de la ou des personnes du Christ. Voir à ce sujet le site :
http://www.croixsens.net/jesus/nestor.php

 

D'abord, rappelons brièvement :

1) ce qu'est une « hérésie » : toute opinion contraire à celle qui obtenait la majorité dans les conciles.

2) qui sont ces  « hérétiques » (et leurs doctrines) auxquels s'en prend Calvin dans ce chapitre :

 

- Le nestorianisme est une doctrine se réclamant du christianisme et affirmant que deux personnes, l'une divine, l'autre humaine, coexistaient en Jésus-Christ, parce qu'il y a deux natures. Cette thèse a été à l'origine défendue par Nestorius (né vers 381 - mort en 451), patriarche de Constantinople (428-431). Le nestorianisme devient une variante du christianisme après la condamnation de Nestorius par le concile général d'Ephèse (431).

 

Ephèse

 

- Eutychus ou Eutychès (378-453) : hérésiarque grec, moine, fondateur de la secte des Eutychéens ou Eutychiens, eut une opinion radicalement opposée à celle de Nestor : il  niait la coexistence en Jésus-Christ des deux natures, divine et humaine ; il pensait que ces deux natures étaient tellement unies qu'elles n'en faisaient qu'une seule, composée de la divinité et de l'humanité, d'où les monophysites, croyant en une seule nature. Cette doctrine fut condamnée par le concile de Chalcédoine (451), mais elle se poursuivit en Orient par le moine Jacob (les jacobites)

 

 

 

 Il est intéressant par ailleurs de rappeler ce que furent les premiers hérétiques : les gnostiques : Ils pensaient que, pris à la lettre, les dogmes enseignés dans les livres saints étaient bons pour le vulgaire, mais qu'il y avait pour les esprits supérieurs une science transcendante qui donnait la clé des mystères les plus cachés. Certaines sectes gnostiques adoptèrent le système des deux principes, l'un bon et l'autre malfaisant (Marcion, Manès). Cette croyance fut combattue au 5e s. par St Augustin ; elle réapparaîtra chez les Albigeois. Le christianisme judaïsant fut condamné au concile de Jérusalem en 51 : leurs deux sectes, des nazaréens et des ébionites, niaient la divinité du Messie. ...Vers la fin du 3e s. commencent les discussions relatives à la Trinité. Que de croyances différentes ! Que d'imaginations enfiévrées autour de ces questions ! Les encyclopédies nous en donnent une toute petite idée...

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L'idée de Calvin, c'est clair, c'est celle du dogme officiel ; il trouve ses preuves surtout dans l'évangile de Jean, plus tardif, évangile que l'on a d'abord hésité à joindre aux autres. 


Le Fils a conjoint et uni sa divinité à l'humanité qu'il a revêtue, de telle sorte que chacune des deux natures a gardé sa propriété. Cependant Jésus-Christ n'est pas deux personnes mais une seule.

 

L'union hypostatique ...les deux natures sont conjointes en une seule personne...

 

Toutefois Calvin fait pour moi une comparaison très éclairante, (et qui peut le desservir ! ) :


Si on pouvait trouver quelque chose de semblable à un mystère aussi profond, ce serait l'être humain que nous voyons composé de deux substances qui ne se mélangent pas au point de perdre leurs propriétés respectives. L'âme, en effet, n'est pas le corps et le corps n'est pas l'âme. C'est pourquoi ce qu'on dit spécialement de l'âme ne convient pas au corps  et, identiquement, ce qu'on dit du corps ne peut pas convenir à l'âme...finalement, les choses qui sont particulières à l'âme sont parfois transférées au corps et réciproquement du corps à l'âme. La personne, qui est composée de ces deux réalités, est un seul homme et non plusieurs.... L'Ecriture parle ainsi de Jésus-Christ...

            Il arrive même qu'elle exprime tellement fort cette union des deux natures qui sont en Jésus-Christ, qu'elle attribue à l'une ce qui est à l'autre. Cette dernière façon de parler a été appelée par les docteurs anciens la communication des propriétés.

 

L'évangile de Jean en (d'exemples) est plein :


Jésus-Christ affirme qu'il est la lumière du monde( 8.12 ; 9.5), le bon berger (10.11) la seule porte (10.9) et le vrai cep (15.1)


 

 

 

 

C'est là que je diverge avec la vision de Calvin, quand il dit :

Ces privilèges n'auraient pas pu être accordés à quelqu'un qui n'était qu'un simple homme.

 

En effet, Jésus-Christ éclaire le monde par la vision qu'il a de Dieu, Dieu  d'amour, vision d'ailleurs déjà présente dans l'Ancien Testament et qu'il n'a fait que mettre en relief, approfondir, faire passer au premier plan, et accomplir par sa vie. « Il a été obéissant jusqu'à la mort... » On peut dire que Moïse, qui vient avant lui, est aussi grand que lui par sa découverte de la Loi, et par sa vie. On peut dire aussi qu'Aristote, qui découvre au 5e s. av. J. C. les transcendantaux : le bien, le vrai, le beau, l'un, est aussi grand et aussi universel qu'eux intellectuellement.

 

On peut dire que tous ces gens sont des hommes, qui sont de chair et d'esprit. L'Esprit a été particulièrement présent en eux. A ce propos il me vient à l'esprit  le poème de Victor Hugo :

Les Mages ( Les Contemplations, livre sixième, 23):



Ces hommes ce sont les poètes ;

Ceux dont l'aile monte et descend ;

Toutes les bouches inquiètes

Qu'ouvre le verbe frémissant ;

Les Virgiles, les Isaïes...

Tous ceux en qui Dieu se concentre...

 

La Parole, qu'est-ce, si ce n'est le verbe traversé par l'Esprit ? Dans ce sens la Parole naît en même temps que la parole, l'apanage commun de Dieu et de l'homme...

 

Dieu dit : « Que la lumière soit ! »   Et la lumière fut. (Genèse 1.3)

 

Et Calvin parle de justice (p. 423)...Notre imaginaire a établi, à juste titre pour moi, que Jésus-Christ était le mieux en mesure de juger les hommes, puisqu'il était à la fois le fils de la Loi et de l'amour, du pardon. Et pourtant, Dieu dans ce rôle est le premier. Il peut « déléguer », bien sûr... Mais derrière la mythologie, il y a le symbole : l'idée que nous aurons, que nous avons, à rendre compte de nos actes dans l'Au-delà. C'est Dieu qui ouvre les yeux à Saint Paul, rappelons-nous le, et il fait bien d'autres choses selon sa justice dans l'Ancien et le Nouveau Testament.

 

Calvin nous cite ces versets :

 

Quand donc tout lui aura été soumis, alors le Fils lui-même sera soumis à Celui qui lui a soumis toutes choses, afin que Dieu soit tout en tous. (I Corinthiens 15.28)

 

Il est certain que, si l'Eglise suivait mon idée, il faudrait revoir tout le Nouveau Testament après les Evangiles synoptiques, et ajouter les œuvres de certains « hérétiques » pour diversifier les pensées au sujet de Jésus-Christ, pour mieux saisir sa vérité, aux multiples facettes. Que chacun se fasse démocratiquement son idée ; car plusieurs hommes peuvent avoir tort contre un seul ; ce n'est pas la majorité qui fait toujours la vérité, et il pouvait bien y avoir des formes de « lobbying » même à cette époque, pour préparer les conciles dans les coulisses !

 

Ensuite Calvin aborde l'idée de Jésus-Christ Médiateur. Sans conteste, c'est Jésus qui a révélé aux chrétiens la nature de Dieu, si toutefois Dieu peut être connu des hommes ! Il nous reste à comprendre le Mal, en sa profondeur, dans cette construction de l'esprit. Mais Jésus nous a donné les clés du Bien, en Dieu, à notre mesure.

 

Puis Calvin réfute brièvement l'hérésie de Nestor et « la folie d'Eutychès » par des citations de l'Ecriture (p. 424) ; enfin il « s'attaque » à Michel Servet... Hors, même de notre temps, un monstre a surgi...

 

Ici je vous rapporte la pensée de Calvin au sujet de Michel Servet, ce qui ne veut pas dire que son interprétation soit vraie : elle est subjective, et souvent nous avons vu qu'à nos yeux il déforme la vérité pour la faire tenir dans ses rails.

 

Son astuce réside en ceci que, renversant la distinction entre les deux natures, Jésus-Christ est comme une masse ou un mélange composé  en partie d'éléments divins et en partie d'éléments humains et qui, en définitive, n'est considéré ni Dieu ni homme.

 

Calvin cite ( p. 426) Romains 8.15, mais moi je vais aussi citer le verset  précédent, 14 :

 

14 : Car tous ceux qui sont conduits par l'Esprit sont fils de Dieu.

15 : aussi bien, vous n'avez pas reçu un esprit de servitude, pour être toujours dans la crainte ; mais vous avez reçu celui d'adoption par lequel nous nous exprimons : Abba, c'est à dire Père !

 

L'Esprit préside à tout, dès le commencement du monde ; il dicte la Loi, l'amour et le pardon. Mais il ne faut pas le confondre avec Jésus-Christ.

 

Nous sommes des enfants  par adoption, puisque Jésus-Christ l'est par nature. (p. 426)

 

Enfin, Dieu n'est-il pas notre Créateur à tous, chair et âme ? A quelles bêtises nous mènent les rails des décisions dogmatiques des conciles ! L'auteur veut parler de notre adoption spirituelle, après le Jugement. Pour moi, chrétienne unitarienne, cela conforte l'idée que le Jugement "Dernier" est le seul jugement de Dieu, et que le premier élu sera Jésus, tout cela se passant hors du critère du temps, dans l'éternité.

 

Servet et des insensés comme lui veulent que Jésus-Christ soit le Fils de Dieu, parce qu'il est apparu dans la chair, sans quoi on ne pourrait pas lui accorder ce nom.

 

Je ne vais quand même pas retourner le compliment à Calvin en vertu de l'avertissement de Matthieu (5.22) :

Quiconque se met en colère contre son frère sera passible du jugement. Celui qui dira à son frère raca sera jugé par le Sanhédrin ; et celui qui lui dira « fou » sera passible de la géhenne du feu...

 

Là encore, Calvin semble donner des armes à Servet en citant ce passage : ( 2 Corinthiens 13.4) :


Car s'il a été crucifié dans sa faiblesse, il vit néanmoins par la puissance de Dieu. Nous de même, si nous sommes faibles en lui, nous vivrons pourtant avec lui par la puissance de Dieu, afin d'agir au milieu de vous.

 

Calvin cite ce texte pour montrer qu'il distingue bien les deux natures de Jésus.

Je réponds qu'il distingue bien les deux natures de l'homme : la « chair » (pris dans son acception de tout ce qui n'est pas de l'Esprit) et l'âme. Nous soulignons ici la continuité de l'Esprit.

 

Fils de l'homme selon l'usage ordinaire de la langue hébraïque, puisqu'il est issu de la race d'Adam. A l'inverse, je conclus qu'il est aussi appelé Fils de Dieu en raison de sa divinité et de son essence éternelle, car il n'est pas moins convenable que le nom de Fils de Dieu se rapporte à la nature divine que celui de Fils de l'homme à la nature humaine.

 

Ce que Calvin ne veut pas voir ici, c'est que l'homme, par définition, est autant le réceptacle de la « chair » que de l'Esprit, et qu'il n'est pas nécessaire d'aller chercher le divin hors de lui, puisqu'il héberge, bien que partiellement, l'Esprit, quand il est digne du nom d'homme, qu'il obéit à sa vocation intrinsèque, et qu'il n'est pas qu'un simple animal, comme certains voudraient bien le prouver aujourd'hui.

 

Jésus mérite, plus que tout autre, peut-être, en tous cas pour nous chrétiens, le nom d'Homme, à la fois comme nous tous fils de Dieu notre créateur et fils d'homme.

 

Tout cela n'est à mon avis qu'une querelle de mots.

 

Selon Calvin, Servet pense que Jésus-Christ est appelé Fils de Dieu à sa conception (p. 428). Calvin encore persiste et signe : Jésus-Christ était là dès le commencement du monde. Moi je remplace Jésus-Christ par l'Esprit, probablement avec Servet, qui nie la présence de J. C.  dès le commencement du monde.

 

Ceux qui nient que Jésus-Christ ait été Fils de Dieu, sauf à partir de son incarnation, ne font que chipoter inutilement...(p. 429)

 

Alors, Monsieur Calvin, cela mérite-t-il que l'on mène un homme au bûcher, si c'est seulement « chipoter » ? Mais, quelques lignes plus loin , Calvin taxera la croyance de Servet d'impiété :

Jésus-Christ n'est le fils de Dieu que parce qu'il a été conçu du Saint Esprit.

 

Enfin Servet anéantit la seconde Personne du Dieu trinitaire et nous enlève le fils de David, qui devait être le Rédempteur promis.

 

Non, Monsieur Calvin, nous croyons toujours à Jésus Rédempteur, mais pas de la même manière que vous ; il me semble que notre manière de voir est plus simple, plus saine, plus vraie, plus logique :

 

Vous, vous divinisez un homme, vous le faites apparaître dès le commencement du monde, présidant aux destinées de l'Ancien Testament juif, -où il n'apparaît jamais- et, parce que vous voulez qu'il sauve les hommes, vous expliquez le sacrifice cruel de sa vie par ses propres frères, les hommes, en disant que ce meurtre leur accordera directement le Paradis, sous prétexte que Jésus semble parfait, qu'il est Divin, et qu'il est la victime expiatoire idéale pour leurs péchés ! Ils ont donc tué le Fils de Dieu, qu'ils ont préféré pour ce forfait au  brigand Barabbas, et ils en sont récompensés...bravo ! Quelles insanités est-on parvenu à croire !!! Il faut dire que ce fut pour moi, à l'époque de mon instruction religieuse, difficile à avaler quand même !

 

 

Jésus sauve les hommes, ses frères, responsables d'eux et d'autrui, uniquement par son exemple de vie et par ses paroles, par son message, qu'il porte jusqu'à Jérusalem, malgré les très grands risques pour sa vie. Désormais ceux qui ont la foi, donc qui essaient de suivre ce modèle, savent qu'ils peuvent être pardonnés par Dieu, par grâce, mais non automatiquement, par un coup de baguette magique.

 

 

 

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