1914-1918 – La Première Guerre Mondiale et Péguy(530)

Publié le par marike

Le Centenaire de la Grande Guerre : le 11 novembre 2014. 
Hommage au grand poète "oublié" : Charles Péguy

Même cette fête nationale est-elle politisée au profit de la gauche ? Est-ce un double crime pour Charles Péguy que d'avoir abandonné la gauche pour la droite et pour le christianisme ? Les poètes français n'ont-ils plus le droit de chanter leur religion ? La laïcité ne doit pas être effacement de notre culture... Nulle part aujourd'hui on a entendu parler de Charles Péguy...Deux hautes figures de notre histoire : à l'époque Péguy était pour la guerre et Jaurès pour la paix. Aujourd'hui, mais il a fallu cent ans de recul, on donne plutôt raison à Jaurès, toutefois est-ce une raison pour passer sous silence l'un de nos plus grands poètes, mort au champ d'honneur, à Villeroy sur Marne ? 
                    Aujourd'hui j
e n'ai pas entendu citer le nom de Péguy sur France 2, parmi les écrivain de la Grande guerre... Bernard Maris dans "Le Figaro" site une vingtaine d'écrivains à ce sujet... dont certains presque inconnus (je suis professeur de lettres) mais il ne cite pas le plus grand d'entre eux : Charles Péguy (1873-1914). Ses poèmes célèbres m'ont accompagnée, tant celui sur son pélerinage à Chartres que celui sur la Grande Guerre, sur Jeanne d'Arc, sur les Châteaux de la Loire, et bien d'autres...  ; à ce sujet je vous joins en même temps un hommage de Charles de Gaulle (un autre chrétien) à Péguy, à partir de ce site : http://www.lettresvolees.fr/degaulle/peguy.html

"Mais, puisque la France a fait entendre sa volonté de triompher, il n'y aura jamais pour nous ni doute, ni lassitude, ni renoncement. Unis pour combattre, nous irons jusqu'au bout de notre devoir envers elle, nous irons jusqu'au bout de la libération nationale. Alors, notre tâche finie, notre rôle effacé, après tous ceux qui l'ont servie depuis l'aurore de son Histoire, avant tous ceux qui la serviront dans son éternel avenir, nous dirons à la France, simplement, comme Péguy :
Mère, voyez vos fils, qui se sont tant battus
De Gaulle - Discours du 18 juin 1942

 

EVE (1913) extraits

Vous nous voyez debout parmi les nations.

Nous battrons-nous toujours pour la terre charnelle.
Ne déposerons-nous sur la table éternelle
Que des coeurs pleins de guerre et de séditions.

Vous nous voyez marcher parmi les nations.
Nous battrons-nous toujours pour quatre coins de terre.
Ne mettrons-nous jamais sur la table de guerre
Que des coeurs pleins de morgue et de rébellions ?

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Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle,
Mais pourvu que ce fût dans une juste guerre.
Heureux ceux qui sont morts pour quatre coins de terre.
Heureux ceux qui sont morts d'une mort solennelle.

Heureux ceux qui sont morts dans les grandes batailles,
Couchés dessus le sol à la face de Dieu.
Heureux ceux qui sont morts sur un dernier haut lieu,
Parmi tout l'appareil des grandes funérailles.

Heureux ceux qui sont morts pour des cités charnelles.
Car elles sont le corps de la cité de Dieu.
Heureux ceux qui sont morts pour leur âtre et leur feu,
Et les pauvres honneurs des maisons paternelles.

Car elles sont l'image et le commencement
Et le corps et l'essai de la maison de Dieu.
Heureux ceux qui sont morts dans cet embrassement,
Dans l'étreinte d'honneur et le terrestre aveu.

Car cet aveu d'honneur est le commencement
Et le premier essai d'un éternel aveu.
Heureux ceux qui sont morts dans cet écrasement,
Dans l'accomplissement de ce terrestre voeu.

Car ce voeu de la terre est le commencement
Et le premier essai d'une fidélité.
Heureux ceux qui sont morts dans ce couronnement
Et cette obéissance et cette humilité.

Heureux ceux qui sont morts, car ils sont retournés
Dans la première argile et la première terre.
Heureux ceux qui sont morts dans une juste guerre.
Heureux les épis murs et les blés moissonnés.

Heureux ceux qui sont morts, car ils sont retournés
Dans la première terre et l'argile plastique.
Heureux ceux qui sont morts dans une guerre antique.
Heureux les vases purs, et les rois couronnés.

Heureux ceux qui sont morts, car ils sont retournés
Dans la première terre et dans la discipline.
Ils sont redevenus la pauvre figuline.
Ils sont redevenus des vases façonnés.

Heureux ceux qui sont morts, car ils sont retournés
Dans leur première forme et fidèle figure.
Ils sont redevenus ces objets de nature
Que le pouce d'un Dieu lui-même a façonnés.

Heureux ceux qui sont morts, car ils sont retournés
Dans la première terre et la première argile.
Ils se sont remoulés dans le moule fragile
D'où le pouce d'un Dieu les avait démoulés.

Heureux ceux qui sont morts, car ils sont retournés
Dans la première terre et le premier limon.
Ils sont redescendus dans le premier sillon
D'où le pouce de Dieu les avait défournés.

Heureux ceux qui sont morts, car ils sont retournés
Dans ce même limon d'où Dieu les réveilla.
Ils se sont rendormis dans cet alléluia
Qu'ils avaient désappris devant que d'être nés.

Heureux ceux qui sont morts, car ils sont revenus
Dans la demeure antique et la vieille maison.
Ils sont redescendus dans la jeune saison
D'où Dieu les suscita misérables et nus.

Heureux ceux qui sont morts, car ils sont retournés
Dans cette grasse argile où Dieu les modela,
Et dans ce réservoir d'où Dieu les appela.
Heureux les grands vaincus, les rois découronnés.

Heureux ceux qui sont morts, car ils sont retournés
Dans ce premier terroir d'où Dieu les révoqua,
Et dans ce reposoir d'où Dieu les convoqua.
Heureux les grands vaincus, les rois dépossédés.

Heureux ceux qui sont morts, car ils sont retournés
Dans cette grasse terre où Dieu les façonna.
Ils se sont recouchés dedans ce hosanna
Qu'ils avaient désappris devant que d'être nés.

Heureux ceux qui sont morts, car ils sont retournés
Dans ce premier terreau nourri de leur dépouille,
Dans ce premier caveau, dans la tourbe et la houille.
Heureux les grands vaincus, les rois désabusés.

- Heureux les grands vainqueurs. Paix aux hommes de guerre.
Qu'ils soient ensevelis dans un dernier silence.
Que Dieu mette avec eux dans la juste balance
Un peu de ce terreau d'ordure et de poussière.

Que Dieu mette avec eux dans le juste plateau
Ce qu'ils ont tant aimé, quelques grammes de terre.
Un peu de cette vigne, un peu de ce coteau,
Un peu de ce ravin sauvage et solitaire.

Mère voici vos fils qui se sont tant battus.
Vous les voyez couchés parmi les nations.
Que Dieu ménage un peu ces êtres débattus,
Ces coeurs pleins de tristesse et d'hésitations.

Et voici le gibier traqué dans les battues,
Les aigles abattus et les lièvres levés.
Que Dieu ménage un peu ces cœurs tant éprouvés,
Ces torses déviés, ces nuques rebattues.

Que Dieu ménage un peu ces êtres combattus,
Qu'il rappelle sa grâce et sa miséricorde.
Qu'il considère un peu ce sac et cette corde
Et ces poignets liés et ces reins courbatus.

Mère voici vos fils qui se sont tant battus.
Qu'ils ne soient pas pesés comme Dieu pèse un ange.
Que Dieu mette avec eux un peu de cette fange
Qu'ils étaient en principe et sont redevenus.

Mère voici vos fils qui se sont tant battus.
Qu'ils ne soient pas pesés comme on pèse un démon.
Que Dieu mette avec eux un peu de ce limon
Qu'ils étaient en principe et sont redevenus.

Mère voici vos fils qui se sont tant battus.
Qu'ils ne soient pas pesés comme on pèse un esprit.
Qu'ils soient plutôt jugés comme on juge un proscrit
Qui rentre en se cachant par des chemins perdus.

Mère voici vos fils et leur immense armée.
Qu'ils ne soient pas jugés sur leur seule misère.
Que Dieu mette avec eux un peu de cette terre
Qui les a tant perdus et qu'ils ont tant aimée.

                                                                                       Charles Péguy

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Livres de Marike (décrits sur la toile, dans ce blog,et recensions) :
- Anthologie de la prose française. 1100-1900. édition indépendante illustrée. 2005. 480 p.
- Etude des Evangiles, suivi de : Les Evangiles et l'écologie  - L'Harmattan, coll. Chrétiens autrement. 2006. 155 p.

- Interroger sa foi. Du calvinisme au judéo-christianisme libéral. Préface du pasteur P. J. Ruff. Edilivre 2013. 261 p.

Publié dans Société et Religion

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R
Si vous êtes intéresser par la guerre 14/18 je vous propose ce livre à lire ou télécharger gratuitement sur le site : http://www.edition999.info/Jean-classe-1915-Lettres-volees-a.html
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T
On en veut plus avec autant d\'humour. Continuez.
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