239- Lecture judeo-chrétienne, unitarienne, de « L’Institution... » de J. Calvin – 6 - Satan. La Création.

Publié le par marike.over-blog.com

23 05 09

239- « L’Institution » Calvin – 6 - Satan et les siens. La majesté de la Création.

pp. 125 à 133

Le mal est représenté dans la Bible par l’Ange déchu, et son armée de diables ; comme on le voit maintenant, Calvin va suivre de près la Bible et donner à chaque pas de son raisonnement plusieurs citations bibliques comme preuves.

 

Satan est puissant (2 Cor. 4.4 ; Jn. 12.31 ; Mt 12.29 ;I Pierre, 5.8 ;Ephés. 2.2) ; il  cherche à nous rendre mauvais, à nous tenter ; il faut être vigilant et le combattre ; cela ne se fera pas sans la foi (I Pierre 5.9), l’aide de Dieu, de la prière. Le diable est « le diviseur » (Mt. 13.26) ; il « sème la zizanie » (p. 126) ; il est meurtrier et menteur (Jn. 8.44).


p. 127

1) Qui a la responsabilité du mal ?

Calvin cherche à montrer que Satan a été créé  bon à l’origine, ange, mais qu’il est devenu une créature dépravée.


Jésus indique que Satan à un moment donné était dans la vérité, mais qu’il n’a pas persisté en elle. Quand il le nomme « père du mensonge », il lui ôte toute excuse, afin qu’il ne puisse pas imputer à Dieu sa faute, dont il est lui-même la cause. Mais si tout cela est exposé de façon brève et obscure, cela est suffisant, cependant, pour fermer la bouche aux blasphémateurs. Nous importe-t-il, et dans quel but, d’en savoir davantage sur le diable ?

Ah, oui, Jean Calvin, nous aimerions bien qu’ici vous ayez  de belles citations-preuves à nous fournir, et pas seulement celle tirée de l’évangile plus tardif de Jean, car l’origine du mal est d’une importance considérable pour nous.


Le père dont vous êtes issus, c’est le Diable… Il a été meurtrier dès le commencement ; et il n’a pas persévéré dans la vérité parce qu’il n’y a pas de vérité en lui. Quand il profère le mensonge, il parle de son propre fonds, parce qu’il est menteur, et le père du mensonge. Mais moi, parce que je dis la vérité, vous ne me croyez pas… (Jean. 8.44-45)


Logiquement l'origine du mal se situe en l'Ange déchu, à la charnière entre le bien et le mal en lui ; à cette frange de liberté donnée aux anges...


Calvin ne donne pas de réponse sur l’origine du mal, et pourrait-il en donner une ? Il établit seulement  ailleurs (p. 127) une limite à notre curiosité :


Il n’a pas convenu au Saint-Esprit de satisfaire notre curiosité…Le Seigneur, nous le voyons, a veillé à ne rien nous enseigner d’autre que ce qui pourrait nous édifier…


Calvin sait que l'horizon des ses connaissances est borné, comme celui de tous les hommes, alors il ne devrait pas être si sûr de lui dans ses affirmations.

Il nous dit ensuite, avec preuves bibliques à l’appui, que les anges déchus seront punis.

 

2) p. 128. Voilà, encore plus troublant, le titre du paragraphe 17 :


17. Satan ne peut rien faire sans la permission de Dieu


Evidemment, si Dieu est tout-puissant, Satan lui est soumis.

Calvin ici donne plusieurs citations bibliques pour confirmer cette thèse : Job, 1.6 ; 2.1 ; I Rois, 22.20 ; I Samuel, 16.14 ; 18.10 ; Psaumes 78.49)

Dans le paragraphe suivant, Calvin nous dit que Dieu envoie Satan et ses diables pour mettre à l’épreuve les croyants. Ici le raisonnement est logique : puisque Dieu a toute autorité sur Satan et ses armées, quand le Diable agit, c’est que Dieu le veut bien…

Donc les hommes de Dieu exhortent les croyants à résister au Diable (Ephés. 4.27 ;  I Pierre 5.9 ;  2 Cor. 12.7)


Et comme la promesse d’écraser la tête de Satan appartient en commun à Jésus-Christ et à tous les siens (Genèse 3.15), les croyants ne peuvent être ni vaincus ni opprimés par Satan.

J'ajoute : à la fin des temps...

Là encore Satan ayant prouvé sa liberté dans sa désobéissance, Dieu peut-il être considéré comme tout-puissant ?

 

3) Reportons-nous donc à Genèse 3.15 :

 

3.14 : L’Eternel Dieu dit au serpent : « Puisque tu as fait cela tu seras maudit entre tous les animaux et toutes les bêtes des champs…

3.15 : Je mettrai de l’inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité ; celle-ci te blessera à la tête et toi tu la blesseras au talon. »…

Ici encore il y a extrapolation : 1) D’une image restreinte construite autour de Dieu, du serpent et de la femme, Calvin transforme deux des acteurs de cette petite scène : dieu et la femme,  en : Jésus-Christ et tous les humains. Une fois de plus il veut surtout prouver la divinité de Jésus par une extrapolation : Jésus est là, dès le début.

Mais évidemment la divinité de Jésus est tissée dès les origines du christianisme par les disciples eux-mêmes ; elle court dans tout le Nouveau Testament. En effet il est courant dans la littérature épique de voir que, pour mieux impressionner l’auditoire ou les lecteurs, on exagère la réalité ; on croit ainsi mieux convaincre, mais c’est le contraire qui arrive. Plus les esprits sont cultivés et évolués, formés aux sciences, moins ils sont sensibles à l’exagération des faits.

Les disciples étaient souvent des gens frustes,des pêcheurs du lac, non des intellectuels de formation. Satan rôde aussi autour d’eux (chacun a la tentation d’être le plus grand entre les disciples et de diriger les fidèles de Jésus après sa mort –Mt.20.20-28 ; Lc 22.24.) ! Ils veulent impressionner la foule ; et ils savent que plus leur maître sera grand, plus eux le seront aussi.


Ainsi, comme le dit l’Apôtre, Jésus-Christ en mourant a vaincu Satan qui détenait le pouvoir de la mort (Hébreux 2.14) (je dirais 2. 5-18), où l’on voit la relation entre le « personnage » de Dieu le Père et celui du « Fils » :

Il est intéressant à ce sujet de voir comment l’auteur de cette épître transforme mensongèrement, « interprète »  le psaume juif 8,5-7 : « le fils de l’homme » devient « le Fils de l’homme », et toute la signification de la phrase change…et il précède sa citation d’une référence vague pour qu’on ne puisse la retrouver (2.6) : « Mais quelqu’un a rendu quelque part ce témoignage… » Heureusement que nos bibles sont annotées honnêtement aujourd'hui !

Par ailleurs, le reste du texte s’accorde à peu près avec nos convictions, et en particulier ceci : (2.11) « Car celui qui sanctifie1 et ceux qui sont sanctifiés sont tous issus du même Père. » Ceci ne s’accorde pourtant pas vraiment, sauf habiles contorsions de l’esprit,  avec l’idée que « La Parole » préside à la Création. D’autre part, ce n’est pas quasi « magiquement », par le seul pouvoir de sa mort, que « La Parole » (et derrière ce mot les superpositions de sens –Verbe de Dieu, Jésus-Christ- prêtent à confusion !) mènera les croyants de la mort à la vie, mais « par la foi » et j’ajouterais : « la foi qui témoigne ».

 

Là encore nous demeurons insatisfaits : Dieu, s’il est entièrement bon, permettrait-il au Diable de nous tenter, de nous mettre à l’épreuve ? Telle est la grande question face à Job ; son histoire est destinée à nous montrer que, malgré tout, il faut garder foi en Dieu. « La porte est étroite », diront aussi les Evangiles ; un petit nombre seulement sera sauvé…et combien de fois dans l’Ancien Testament est-il dit que Dieu endurcit le cœur de certains hommes ? Et pourquoi ? Tous les hommes ne sont-ils pas ses fils ? L’humilité reste la seule réponse, et, avec Victor Hugo à la mort de sa fille Léopoldine, disons : 

 

 

Seigneur je reconnais que l’homme est en délire
S’il ose murmurer ;
Je cesse d’accuser, je cesse de maudire,

Mais laissez-moi pleurer !

 

A Villequier, (4 sept. 1847) ( Les Contemplations )

 

p. 130, Calvin nous met en garde : Les saints anges ne sont pas  les bonnes inspirations ou élans que Dieu donne aux hommes…Les diables ne sont pas les inclinations mauvaises que nous suggère notre chair ; ils ont de véritables personnalités. Pour cela il va nous donner plusieurs citations-preuves, tirées de la Bible. Les diables parlent ; ils discutent. (Job 1.6 ; 2.1 ;  Mt. 8.29 ; 2 Pierre 2.4…)

 

Puis, page 131, Calvin revient au beau et parfait théâtre du monde, …la première instruction que reçoit notre foi.


 

 

 

Il faut dire que Calvin arrête surtout son regard sur les étoiles et les planètes, sur le mouvement parfaitement réglé de la terre autour du soleil, en un mot, sur l’astronomie, et là, nous pouvons, à juste titre, être émerveillés.

 

 

 

 

 

 

 

 

Mais rappelons-nous aussi la fable de La Fontaine : « La Besace », et nous verrons que le singe, l’éléphant ou l’ours pourraient peut-être envier la perfection de la beauté d’une fleur, par exemple.

 

Venez, Singe ; parlez le premier, et pour cause.
Voyez ces animaux, faites comparaison
De leurs beautés avec les vôtres.
Etes-vous satisfait? - Moi ? dit-il, pourquoi non ?
N'ai-je pas quatre pieds aussi bien que les autres ?
Mon portrait jusqu'ici ne m'a rien reproché ;
Mais pour mon frère l'Ours, on ne l'a qu'ébauché :
Jamais, s'il me veut croire, il ne se fera peindre. "
L'Ours venant là-dessus, on crut qu'il s'allait plaindre.
Tant s'en faut : de sa forme il se loua très fort
Glosa sur l'Eléphant, dit qu'on pourrait encor
Ajouter à sa queue, ôter à ses oreilles ;
Que c'était une masse informe et sans beauté.
L'Eléphant étant écouté,
Tout sage qu'il était, dit des choses pareilles.
Il jugea qu'à son appétit
Dame Baleine était trop grosse.
Dame Fourmi trouva le Ciron trop petit,
Se croyant, pour elle, un colosse…

 

Dieu a organisé toutes choses pour notre bien et notre salut, poursuit Calvin page 133, ne soyons donc pas ingrats. Prions, présentons nos requêtes et nos actions de grâces.

 

Nous voyons donc que Calvin se tourne délibérément vers l’aspect positif de la création et du Créateur, et qu’il ne tourne pas son regard vers l’homme souffrant, ni vers les failles de la création, les tremblements de terre, les inondations, les famines…etc…la mort d’un enfant innocent, comme dira plus tard Camus dans « La Peste ».

 

1 - Voir « L’Etude des Evangiles », de Marie-Claire Weber-Lefeuvre, éditions de L’Harmattan 2006, p. 86-87.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article